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Yoann Mormile sacré Champion de France de pizza napolitaine au Sirha 2021
Le 28 Octobre 2021

Yoann Mormile sacré Champion de France de pizza napolitaine au Sirha 2021

Yoann Mormile, 31 ans, franco-italien est Champion de France de pizza napolitaine depuis le 24 septembre 2021, après avoir été vice-champion en 2019. Cette distinction, remise dans le cadre du Syrha-Lyon, couronne près de 10 ans d’efforts et de travail consciencieux pour entrer dans le club très fermé des meilleurs. Pour France Pizza, le fondateur des pizzerias Pulcinella 01 et Bella 01 à Bourg-en-Bresse, revient sur ce qui l’a mené sur la première marche du podium.

« Impossible de manger une pizza à l’emmental et aux lardons ! »

Yoann Mormile italiano vero

Toute son enfance, à l’école, on a prononcé son nom Mormi-leu comme on prononce les mots île et ville. En Italie, c’est Mormi-lé. « Ouvrez l’annuaire de Naples, vous en trouverez des centaines ! Mon père est de Caserte, ma mère est française. On ne parlait pas italien à la maison, j’ai vraiment appris quand j’y suis allé pour travailler. Je m’appelle Yoann et mon frère Jérémy parce que mon père est de cette génération d’émigrés qui voulait qu’on soit français. Une question dont un candidat non déclaré parle beaucoup en ce moment…Ne me demandez jamais de choisir entre l’Italie et la France ! »

La pizza napolitaine, sa madeleine de Proust

Avoir dégusté de vraies bonnes pizzas pendant l’enfance a forgé le goût du Franco-italien qui, en fin connaisseur, préfère jeûner que manger mal. « La bonne pizza napolitaine, je l’ai découverte petit. Tous les étés, on allait en Italie dans la famille de mon père et on mangeait de vraies pizzas. On commandait la Margherita et la Diavola à la pizzeria Da Michele et on se les partageait. Elles étaient tellement bonnes qu’il m’était impossible de goûter celles qui se faisaient en France avec de l’emmental, des œufs et des lardons surgelés. Je n’en mangeais que l’été. Les après-midis de PlayStation ou les soirées foot, alors que mes potes français commandaient des pizzas, je préférais prendre un burger ou un kebbab plutôt que des pizzas qui n’en étaient pas ! »

Première vocation, d’abord marbrier….

Avant de mettre la main à la pâte, Yoann Mormile a été marbrier-tailleur de pierre. « Je suis allé jusqu’au BTS puis je me suis engagé auprès des Compagnons de France pendant 6 ans. C’est un travail difficile, minutieux qui n’est pas valorisé. C’était passionnant mais ça ne nourrit pas son homme. J’ai dû me tourner vers autre chose ».

…et un peu rugbyman

Sa stature vous rappelle quelque chose ? Non, ce ne sont pas le pétrin et le maniement de la pelle qui ont forgé son physique. Yoann Mormile a joué au rugby à un bon niveau. Pas assez haut pour en faire son métier mais suffisamment pour qu’on mise sur lui. Et qu’on l’envoie jouer en Italie et jusqu’en Australie. En Italie, il en profite pour apprendre à faire de la pizza. Sur le tas et sans rémunération. « À Naples, si vous n’êtes pas le fils, le frère, le cousin de quelqu’un, si vous n’êtes pas recommandé, on ne vous forme pas. Et quand on accepte de vous former, vous devez jurer de ne pas ouvrir une affaire en face ou à côté de votre formateur. J’avais 21 ans. Je n’étais pas payé mais les patrons de La Vetta Degli Dei (à Liberi) ont été réglo. C’était une chance inespérée ! » 

« Chaque fois que j’ai besoin d’un bain d’humilité, je prends un billet pour Naples » 

En route pour l’Australie !

Yoann Mormile signe pour l’Australie. Son visa PVT (permis vacances-travail) en poche, il gagne le pays des kangourous sans imaginer le bond qu’il va y faire. Son séjour commence pourtant mal. Lors d’un match, il est blessé au genou (ligaments croisés). Verdict : rapatriement en France et 4 mois d’arrêt. Mais à ne rien faire, il s’ennuie dans son pays natal. On est en 2015 et il décide de regagner l’Australie et de valoriser son visa encore valide. « Je mets le rugby de côté et je fais du marbre pour Rossini’s, une pizzeria de Melbourne ». Entre deux petits travaux, le Burgien glisse au patron qu’il sait faire de la pizza et qu’il cherche un 2ème boulot pour avoir un 2ème salaire.

Melbourne, le Gradi et la révélation

Yoann se fond vite dans la grande communauté italienne de Melbourne dont les membres ne sont jamais avares de conseils et de coups de main. Dans un bar, le soir d’un match Naples/Juventus, Yoann Mormile sympathise avec des Italiens et leur glisse qu’il s’y connaît un peu en pizza. Au petit matin, les gars qui repartent bosser, l’embarquent avec eux, lui prêtent un t-shirt au nom de leur pizzeria…et lui font découvrir le Gradi at Crown. Véritable institution à Melbourne, ce temple de la pizza niché au rez-de-chaussée d’un hôtel est l’œuvre de Johnny di Francesco, Champion du Monde de pizza 2014 et véritable star. Pour les Italiens de passage à Melbourne, Gradi est une étape obligée. Actif depuis 2008, Gradi est devenu un groupe qui rassemble 6 pizzerias en Australie et une aux Etats-Unis, à Dallas (Texas). « J’étais comme un gosse. C’est vraiment le gratin ! ». Le vingtenaire découvre 2 fours napolitains de 140 m de diamètre intérieur, les coulisses d’une grande pizzeria et bosse de suite. « J’ai commencé au pass, le poste de terminaison des pizzas sorties de cuisson. Je posais la roquette, le parmesan. On commence comme ça, puis au four, puis on fait les pizzas pour le personnel. Le Gradi, sort en moyenne 700 à 800 pizzas par jour ! Il faut tenir la cadence».

« On t’apprend les bases, le métier, tu le voles ! »

Retour aux racines

Toutes les bonnes choses ont une fin. Le visa de Yoann Mormile arrivant à expiration, le Burgien doit regagner la France. C’est à ce moment, qu’il décide de se consacrer à la pizza. Il retourne à Naples pour suivre une formation à l’AVPN (Association de la Verace Pizza Napoletana). « C’était une formation intensive de 15 jours que j’ai rendue encore plus intensive. J’étais matin, midi et soir dans des pizzerias. L’argent gagné en Australie me permettait de multiplier les jobs même non rémunérés et de vivre quand même »

Voir Naples et grandir

S’il a déjà fait le tour de Naples, Yoann Mormile s’émeut de découvrir encore et encore d’autres pizzerias, pizzaïolos, techniques et de vivre de nouvelles expériences. Il gardera de ce séjour de formation quelques bonnes recettes et surtout des proverbes inoubliables dont celui-ci: « Les bases, on te les apprend. Après, le métier, c’est à toi de le voler ». Yoann passe son temps à regarder, observer les anciens, comprendre l’organisation. « Je détaillais les gestes du pizzaïolo qui étale la pâte, ceux du fornaïo qui allume le four, enfourne, défourne et gère la cuisson. Il est en contact avec les cendres et ne touche jamais la pizza ! Je découvre aussi qu’à Naples, on commence comme livreur ».

Vivre (à) Naples et mûrir

« Je passais des heures dans les restos à regarder. J’ai appris en regardant. La pizza, ce n’est pas juste de la farine et de l’eau. C’est un art, une organisation. Et je goûtais tout. Quand une pizza n’était pas bonne, j’en mangeais une autre, ailleurs. Aujourd’hui, quand j’ai besoin de redescendre sur terre, je retourne à Naples. Chaque fois que j’ai besoin d’un bain d’humilité, je prends un billet pour Naples ».

« L’un des 1ers à mettre un four napolitain dans un camion »

Naissance de Pulcinella 01

Le 15 novembre 2015, Yoann Mormile ouvre un foodtruck et l’appelle Pulcinella 01, Polichinelle en italien. « C’est l’emblème de Naples et aussi une référence à l’expression « secret de Polichinelle ». La pizza, tout le monde la mange mais personne ne connaît ses secrets ». Le 01 fait référence à l’Ain, département où se trouve Bourg-en-Bresse. Très vite, il abandonne son vieux camion et en achète un autre qu’il descend à Naples pour y installer un four napolitain. « C’était la rencontre de 2 mondes ! Le camion à pizza c’est marseillais, le four, c’est napolitain. Je dois être l’un des premiers à avoir ramené un four napolitain fait sur-mesure pour le camion ». L’affaire marche bien et Yoann nourrit toujours le vœu d’ouvrir un restaurant.

Pulcinella 01, la pandémie et Bella 01

On l’a vu à travers le chemin qu’il s’est frayé en Italie et en Australie, Yoann Mormile est quelqu’un de vif et de réactif. Son rêve d’un resto en fixe se concrétise en 2019. En juillet, il dépose les statuts de sa société et ouvre son affaire dans le passage des Cordeliers à Bourg-en-Bresse, en novembre.

Fraîchement installé, Yoann Mormile pense se séparer de son camion à pizza quand la pandémie et l’obligation de fermeture des restos s’abattent sur l’Hexagone. « Mon camion m’a sauvé puisque la VAE était autorisée. On avait prévu d’ouvrir un second resto majoritairement dédié à la VAE, disons 95%. Une pizzeria en mode snack ». Au printemps 2020, le pizzaiolo ouvre sur l’avenue de Lyon, axe très passant de Bourg-en-Bresse, Bella 01 qui remporte un vif succès.

Les championnats de France et d’ailleurs

Sans être obnubilé par les concours, Yoann Mormile a déjà tâté de la compétition. En 2017, au Championnat de pizza de Parme, il se classe 41ème….et 1er Français. En 2019, lors du Championnat de France de pizza napolitaine, à Marseille, il accède à la 2ème marche du podium. Une expérience qui l’encourage et l’incite à se représenter en 2021.

« J’y suis allé par curiosité. Les championnats sont l’occasion de croiser et d’échanger avec d’autres pizzaïolos du monde entier autrement que par Instagram ». Bingo ! Le Franco-Napolitain décroche la timbale et devient champion de France de pizza napolitaine, le 24 septembre.

« Je ne recherche pas la pizza instagramable à tout prix !»

Champion de France, le 24 septembre avec une Marinara…

Ce 24 septembre, les candidats ont le choix entre composer une Margherita ou une Marinara, des pizzas simples… en apparence.

« Je savais que les autres allaient suivre la tendance actuelle : faire de gros bords, mettre de la burrata etc…Parfois, on me dit « Ta pizza n’a pas de grosse corniche, c’est pas une Napolitaine ! » Je réponds qu’à Naples, il y a autant de pizzas qu’il y a de quartiers et de pizzerias ! Le jour du championnat, je n’ai même pas fait de biga ! Je suis resté fidèle à moi-même en faisant ce que je fais tous les jours ».

et un bel hommage à sa maman

« Ma pizza, c’était un risque. J’ai essayé de faire une Marinara parce que c’est la pizza préférée de ma mère et je la fais souvent au resto. Quand ils la voient, les clients pensent qu’il n’y a rien dessus. C’est en réalité plus compliqué, plus complexe. Gustativement, elle est parfaite si les produits sont bien équilibrés. Si la base est maîtrisée, le reste vient tout seul. Il n’y a pas d’intérêt financier à faire une Marinara. Chez Pulcinella 01, elle est à 8 € tandis que la Margherita est à 9,50. Ma pizza la plus chère est à 15 € (crème de truffe, mortadelle IGP et burrata). Chez Pulcinella 01, on ne vient pas manger une pizza mais passer un moment ».

Proche du podium, le doute persiste

Malgré son titre de vice-champion de France décroché lors du précédent concours, Yoann Mormile doute encore à quelques minutes des résultats.« À ce moment-là, je sais que je n’ai pas fait la plus belle pizza. Je ne recherche pas la pizza instagramable à tout prix. Les pizzaiolos qui étaient parmi les 10 premiers avaient de très belles pizzas. Mais si on ne venait que pour en faire des belles, ce serait un concours de peinture ! 20 mn avant le verdict, j’étais persuadé d’être hors sujet car tous les garçons avaient fait de gros bords, des pizzas contemporaines. Et puis Julien Panet (Ndlr : Président de l’Association des Pizzerias Françaises et directeur de France Pizza magazine) a fait un discours auquel j’ai été sensible. Il a rappelé les règles de la STG (Spécialité traditionnelle garantie) et j’ai senti que j’avais une chance ».

Champion, et après ?

La Pulcinella 01, qui attirait déjà pas mal de monde, attise la curiosité depuis que Yoann Mormile a fait l’objet d‘articles dans la presse locale, d’un reportage sur France 3 rediffusé dans le très populaire TéléMatin sur France 2. « Je suis fier de faire parler de Bourg-en-Bresse, heureux d’avoir progressé par rapport à l’an dernier. Je ferai d’autres championnats bien sûr et même à l’étranger ». Depuis sa victoire, les commandes augmentent, les jeunes viennent toujours au restaurant, les anciens le découvrent. Le dimanche qui a suivi sa victoire, Yoann a cédé au rituel dominical de rigueur : préparer une Marinara pour ma maman qui l’a mangée devant le match Napoli/ Fiorentina. Napolitain un jour…

 

Isabelle Aithnard

 

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