
SIGEP 2025 : Eliseo Tonti, maître pâtissier publie son autobiographie
Eliseo Tonti, artisan pâtissier émérite, membre fondateur de la Coupe du monde de Gelateria, publie « Il volo di un piaf », son autobiographie tant attendue, aux éditions Chirioti. Originaire de Riccione, dans la région de Rimini, il a quitté son pays pour la Suisse à l’âge de 15 ans. Ce pays a fait naître sa vocation pour la pâtisserie et l’a sorti de la misère. Rencontrez-le au SIGEP, dans le Hall Sud, stand 037.
FRANCE PIZZA. Pourquoi avoir appelé votre autobiographie « Le vol d’un piaf » ?
ELISEO TONTI. Pour le vol, c’est simple. Je venais d’un milieu extrêmement pauvre, ma famille a connu la misère. À force de travail, je me suis sorti de ce milieu-là. J’ai pris mon envol. Evidemment, quand vous entendez le mot "piaf" , en tant que Française, vous pensez aux oiseaux et à la chanteuse Edith Piaf. Mais piaf était aussi le surnom péjoratif que les Suisses donnaient aux émigrés italiens.
FRANCE PIZZA. Comment vous êtes-vous retrouvé en Suisse ?
ELISEO TONTI. Mon père avait une ferme qui ne nous nourrissait pas. Avec les oncles et cousins, nous étions 16 ! J’ai perdu ma mère à l’âge de 3 ans. La Suisse représentait une sorte d’Eldorado pour les gens de notre condition sociale. Mon père s’est retrouvé à faire la plonge dans un restaurant près de Genève et moi, j’allais à l’école. C’est en Suisse que j’ai appris la pâtisserie. Ce pays est extraordinaire pour la formation professionnelle ! Après avoir été ouvrier dans plusieurs pâtisseries, je suis devenu chef à Vevey. Mon affaire marchait bien au point que des personnalités comme les comédiens James Mason et Charlie Chaplin la fréquentaient.
FRANCE PIZZA . Devenir pâtissier, c’était un rêve ?
ELISEO TONTI. Non. Du moins pas au début. Mon père voulait que j’étudie mais je n’étais pas doué pour les études. J’ai trouvé du plaisir dans le métier de pâtissier. Mon commerce avait de plus en plus de succès et le président des pâtissiers du canton de Vaud m’a demandé d’enseigner. Pendant 25 ans, j’ai formé des pâtissiers à Lausanne, Leipzig, Montreux. J’avais un peu peur au débur, je n’avais jamais enseigné et je me suis fait aider par l’Institut de pédagogie.
FRANCE PIZZA. Vous aimiez être en laboratoire dans votre boutique mais l'enseignement semble primer sur le reste...
ELISEO TONTI. J’ai adoré transmettre ! Tellement que j’ai eu envie de fixer par écrit à travers des livres les choses que j’apprenais à mes élèves. Je trouvais que la pâtisserie n’était pas moderne, qu’elle avait trop de bordures, que c’était lourd et pas du tout de l’éqpoue. J’ai pris 3 semaines de vacances pour réfléchir à ce livre et j’ai rédigé Décor 2000. Je l’ai fait sur des fac simile et on me l’a beaucoup reproché ! Puis j’ai écrit Décor 2002. Et enfin un 3 e libre sur le modelage du massepain. Ces livres ont été traduits en 5 langues et ça m’a ouvert les portes d’autres pays d’Europe où je suis allé enseigné. Dès qu’on voyait le livre, on me réclamait des cours !
FRANCE PIZZA. Votre livre sur le chocolat, qui est lui aussi un best-seller, n’est pas traduit à l’étranger…
ELISEO TONTI. Le livre sur le chocolat n’a été sorti qu’en Italie qui est, je vais vous surprendre, l’avant-dernier pays dans la consommation du chocolat en Europe ! Oui, c’est étonnant mais l’Italie consomme peu de chocolat. Je donnais notamment des conseils. Pour faire apprécier le chocolat, on ne commence pas par des assortiments mais par un seul chocolat pour mieux favoriser la dégustation.
FRANCE PIZZA. De quel dessert êtes-vous le plus fier ?
ELISEO TONTI. Hum…En France, on fait encore de bons desserts. En Italie, il existe une culture du chocolat qui varie selon la région. On a la chance d’avoir beaucoup de fruits à coques qui constituent une base de travail intéressante. Ce que je regrette, c’est la prolifération des machines. IL faudrait revenir un peu en arrière et faire des choses artisanalement. Il y a des chocolats qu’on mange et qui descendent directement dans le ventre sans qu’on ait eu le temps de les savourer, sans qu’on ait eu le temps de ressentir la moindre émotion. Ce n'est pas ma conception de la pâtisserie ni celle du plaisir.
FRANCE PIZZA. Quels sont vos pâtissiers préférés, ceux dont vous admirez le travail ?
ELISEO TONTI. J’aime beaucoup Gabriel Paillasson qui s’est davantage dédié aux concours et qui est l’un des Français les plus décorés de France. J’apprécie aussi Yves Thuriès, un des plus grands pâtissiers. La France a une puissance énorme qui vient d’ailleurs de l’esprit des compagnons. Ces hommes-là véhiculent des valeurs nobles : pas de jalousie, le respect de l’autre… C’est ce qui sauve la France. Pierre Hermé, bien sûr ! Il a mis sur pied le macaron et en a fait un objet de désir international.
FRANCE PIZZA. Vous ne citez que des Français, où sont les Italiens ?
ELISEO TONTI. Ah, oui ! Iginio Massari, bien sûr ! C’est un homme qui a une mémoire incroyable ! Il a des connaissances, il entend une chose une fois et la retient longtemps. C’est en outre le fondateur de l'APEI, l’Académie des pâtissiers en Italie. Dans ceux que j’aime, il y a le Calabrais Paolo Caridi qui est devenu un ami et son fils Sebastiano Caridi avec qui j'ai écrit le livre sur le chocolat. Sebastiano Caridi est un petit jeune d’une quarantaine d’années qui s’est fait une solide réputation et qui n'a pas fini d'avancer.
Propos recueillis par Isabelle Aithnard. Photos : Isabelle Aithnard