Laura Zavan nous présente sa cucina povera
Adepte d’une cuisine naturelle, Laura Zavan propose dans Cucina Povera, l’art de bien manger en toute simplicité*, son 16 ème livre, 80 recettes empruntées aux traditions paysannes respectueuses des produits locaux, qui s’accommodent des restes et les transforment en nouvelles recettes. Pour France Pizza, la Vénitienne a accepté de feuilleter et commenter son livre.
FRANCE PIZZA. « Cucina povera » est votre 16 e livre, les amateurs de cuisine italienne connaissent votre travail. Comment définiriez-vous votre cuisine à ceux qui ne la connaissent pas ?
LAURA ZAVAN. Je fais une cuisine qui est surtout à base végétale avec des légumes, légumineuses, céréales. C’est donc une cuisine presque végétarienne. Elle est saine et naturelle. Simple, facile avec des ingrédients accessibles, c’est vraiment ma cuisine du quotidien..
FRANCE PIZZA. Ce sont les fondamentaux de la cuisine italienne.
LAURA ZAVAN. Oui, absolument, c’est ça. Après, il y a beaucoup de recettes où j’arrange des restes. Il y a beaucoup de choses que l’on peut recycler. S’il reste des pâtes, on peut faire une frittata. Du riz ? Des arancini. Les restes de viande peuvent être transformés en boulettes. On utilise beaucoup le pain rassis en Italie, déjà pour faire de la chapelure qu’on met sur beaucoup de pâtes à la place du parmesan; mais aussi pour faire des lasagnes, pour faire la pappa pomodoro (soupe toscane de tomates et de pain), la ribolitta. C’est une cuisine un peu anti-gaspi.
« La cuisine est bonne quand il y a de la qualité ».
FRANCE PIZZA. La couverture de votre livre est un garde-manger. Que doit-on avoir dans ses placards et frigo pour faire de la bonne cuisine italienne ?
LAURA ZAVAN. Dans le chapitre garde-manger, je cite tous les produits phares qu’il faut avoir dans le placard. Je parle aussi de mes légumes préférés. J'aime avoir à disposition les riz rouge et noir, la polenta, l’épeautre, l’orge, la semoule de blé dur pour tout ce qui est pizza, la farine de châtaigne…Il faut avoir des fruits secs qui sont source de protéines. En mangeant moins de viande, forcément il faut chercher ailleurs les protéines. J’ai préparé des fiches techniques pour informer le lecteur.
FRANCE PIZZA. Vous proposez peu de recettes avec de la charcuterie. Le porc est pourtant au cœur de nombreuses recettes italiennes.
LAURA ZAVAN. Il y a un petit peu de charcuterie parce que ça donne du goût, mais sans excéder. Il faut privilégier la qualité, ça va de soi. La cuisine est bonne quand il y a de la qualité. Si on achète des choses au supermarché, des charcuteries dont on ne sait pas d’où elles viennent et comment elles ont été faites, ça n’ira pas. Je ne suis pas là-dedans. Qui me connaît le sait ! C’est des recettes toujours très naturelles dans le sens où l’on utilise toujours de bons ingrédients. Cela va de soi. Personnellement, je mange peu de viande. C’est un livre qui vraiment me correspond parce que c’est ma cuisine du quotidien. Ce n’est pas celle que je fais quand je reçois.
« J’ai cherché à proposer quelque chose qui fait du bien (…) Pour les recettes, je suis partie de la tradition et je les ai faites à ma sauce et dans l’air du temps ».
FRANCE PIZZA. Comment avez-vous sélectionné les recettes ? Ce sont celles qui vous plaisent ou bien celles qui sont susceptibles d’intéresser les Français ?
LAURA ZAVAN. Les 2 en même temps. Il faut que je pense toujours à un public français et en même temps ce sont des ingrédients typiquement italiens. On peut aujourd’hui trouver en France certains produits comme la puntarelle plus facile à avoir sur certains marchés de province. Ce n’est pas impossible de trouver ces produits italiens qui valent la peine d’être goûtés. Après, on n’est pas obligé de les cuisiner tous les jours ! C’est de temps en temps, pour se faire plaisir. J’ai cherché à proposer quelque chose qui fait du bien. Entrées, pâtes, riz, viandes, poissons, fromages, desserts, on trouve de quoi contenter tout le monde. Je suis partie de la tradition et je les ai faites à ma sauce et dans l’air du temps, c’est-à-dire avec moins de graisse et des cuissons plus rapides. Légumes, viandes et poissons faisaient autrefois l’objet d’une cuisson plus longue. Aujourd’hui, on cuit moins et on essaie de faire des recettes plus rapides. Je les propose à ma sauce pour rester dans la praticité et la simplicité.
FRANCE PIZZA. Y a-t-il parmi votre sélection des recettes de votre enfance ?
LAURA ZAVAN. Avec ces recettes traditionnelles, je retourne dans mon enfance : les tourtes, les tartes, les gnocchi, les pâtes, le risotto font partie de mon histoire. J’ai vécu en Italie pendant 30 ans, on n’oublie pas le bon et le goût. J’essaie toujours de les retrouver. Les racines, on ne les oublie pas. Je cuisine italien à la maison. C’est pour cela que j’ai toujours des câpres, des olives… Je ne peux m’en passer.
« Pour moi, cuisiner est une source de joie (…) À travers la nourriture on peut se faire du bien, il ne s’agit pas juste de se nourrir. »
FRANCE PIZZA. La cuisine est un art de la transmission. Avez-vous transmis votre passion à votre fille ?
LAURA ZAVAN. Pour moi, cuisiner est une source de joie. J’aime transmettre ça à mes amis et à ma fille qui est moitié italienne, moitié française. À travers la nourriture on peut se faire du bien, il ne s’agit pas juste de se nourrir. Ma fille sait comment manger et ça me rassure. Savoir ce qui est bon pour notre corps et manger équilibré est rassurant.
FRANCE PIZZA. Les Français manifestent un intérêt croissant pour la cuisine italienne mais se limitent parfois à ce que tout le monde connaît. Quelles sont parmi vos recettes celles qu’il leur reste à découvrir ?
LAURA ZAVAN. Les salades comme la puntarelle sont extraordinaires surtout grâce à leur texture et à la sauce à l’anchois. C'est encore assez rare en France. La panzanelle, salade avec le pain. On n’a pas l’habitude de manger le pain en salade en Frabce, c’est pourtant extraordinaire avec les tomates qu’on trouve jusqu’en octobre. On mange énormément de haricots en salade ou en soupe. Dans le chapitre pain et pizza, je propose le casatiello, un pain napolitain extraordinaire ! La tourte aux herbes et au parmesan, que je propose dans tous mes évènements, est peu connue.
« Autrefois on faisait des cuissons longues; aujourd’hui, on sait que cuire trop longtemps épuise les légumes ».
FRANCE PIZZA. Cette tourte aux herbes semble être une de vos recettes fétiches.
LAURA ZAVAN. Oui, je la fais régulièrement et ma fille l’adore et me la réclame. Au départ, il s’agit d’une pâte normale (farine, eau, et 2-3 cuillers d’huile d’olive). À l’intérieur, il y a des herbes et feuilles vertes comme des épinards, des blettes. En Italie, il y a plein d’herbes ! On n’en trouve pas forcément ici, en France. On les met crues et bien essorées à l’intérieur et on assaisonne avec du parmesan. Au début, je n’y croyais pas. Je me disais, ça va donner de l’eau et je me référais aux recettes où l’on cuit les épinards avant. J’avais tort. Les épinards cuits en cage dans cette pâte, c’est extraordinaire ! Quand les herbes et épinards sont cuits avant d’être posés sur une pâte à tarte, ils perdent de leur goût. Je disais tout à l’heure qu’autrefois on faisait des cuissons longues; aujourd’hui, on sait que cuire trop longtemps épuise les légumes. Pour cette recette, il faut faire attention de ne pas trouer la pâte quand on la pique à la fourchette. Ça m’est arrivé bien sûr ! Il y a une eau de végétation qui se crée mais elle va être réabsorbée quand la tarte va refroidir. Il ne faut donc pas la manger chaude mais froide ou à température ambiante. Et elle est encore meilleure le lendemain ! Cette eau de végétation réabsorbée à l'intérieur fait que tous les goûts sont préservés. C’est quelque chose d’incroyable ! Je l’ai fait goûter à un traiteur très connu, il m’adit que ma recette était très bonne. D'autres choses qu’on ne connaît pas en France : la pizza sarde avec les légumes que vous trouverez page 74 ou la crocantina courgettes et oignons page 78.
FRANCE PIZZA. Que prévoyez-vous comme douceurs et desserts pour Noël ?
LAURA ZAVAN. Comme dolci, il y a des choses un peu hors du commun comme la Torta Monferina page 210. C'est un gâteau avec des pommes et fruits secs. Dans mes desserts, il y a pas mal de fruits secs et de ricotta. Pour Noël, les Cartellate, gâteau frits des Pouilles page 222. C’est comme des rubans frits à partir d’une pâte très simple. On les immerge ensuite dans le miel ou dans le moût de raisin. Si je suis à Paris, je ferai une bûche de Noël avec le panettone et une crème de mascarpone et, à l‘intérieur, la mostarda (purée de coing avec essence de moutarde). Je ferai aussi la Pinza, un gâteau de l’Epiphanie à base de polenta (page 216) à ne pas confondre avec la pinsa romana.
"Ce livre correspond à un moment de ma vie où je mange de plus en plus naturel, sain et végétarien même si je propose des recettes à base de viandes et de poissons".
FRANCE PIZZA. Que nous reste-t-il à découvrir de votre cuisine ?
LAURA ZAVAN. J’ai livré dans Cucina povera, quelque chose de plus intime. En vieillissant, on se nourrit différemment tout en cherchant à se faire du bien. C’est une cuisine plus naturelle qui me motive dans mes recherches. Une cuisine qui fait plaisir tout en restant savoureuse et bénéfique pour le corps. L’alimentation est notre carburant et avec l’âge, encore une fois, si on veut de la bonne énergie, il faut faire attention. Ce livre correspond à un moment de ma vie où je mange de plus en plus naturel, sain et végétarien même si je propose des recettes à base de viandes et de poissons. Cuisiner beau, bon, savoureux est ma ligne de conduite. On n'a pas besoin de manger du homard pour être heureux, un bon plat de pâtes suffit.
*La Cucina povera. L’art de bien manger en toute simplicité, de Laura Zavan, photographies de Valérie Lhomme. Editions Hachette Cuisine, 240 p., 24,95 €.
Propos recueillis par Isabelle Aithnard