Giulio Francesco Bagnale, l’insertion par le vin
Journaliste gastronomique, diplômé en sciences politiques, Giulio Francesco Bagnale est aussi vice-président d’une association d’aide aux enfants handicapés et président d’une fondation d’insertion de personnes en situation de fragilité. Avec son ami Alessandro Bocchetti, journaliste gastronomique et papa d’un enfant autiste, ils ont lancé Arteteke en Basilicate il y a près de 10 ans, une activité d’insertion par le travail de production de vin.
Reprenons depuis le début…
Mes parents ont créé en 1969, la section de Melfi-Matera (Basilicate) d’une association de familles d’enfants atteints de handicap mental qui leur apporte assistance. Pour aller plus loin, et répondre à la demande de ces familles d’accompagner leurs enfants à apprendre et à exercer une activité professionnelle, nous avons créé une structure dédiée. L’objet est de trouver des entreprises qui acceptent de former et faire travailler des personnes en situation de fragilité sociale ou de handicap. Nous avions constaté, grâce à l’activité de la section locale de l’association créée par mes parents, que la relation aux animaux (chevaux, poules, canards, chèvres naines…) aide ces jeunes à progresser sur un plan intello-relationnel, que la répétitivité des tâches au jardin leur permet de gagner en motricité. À tel point que l’un d’eux, Francesco, est aujourd’hui responsable, en complète autonomie de l’écurie de 20 chevaux… Un autre a pu intégrer l’entreprise familiale après avoir appris à travailler la vigne à nos côtés.
Comment naît Arteteke, le projet d’entreprise viticole ?
À la demande des familles, nous avons décidé de structurer un projet solide d’insertion dans la vie active : Arteteke. Le vin est notre passion, il s’est imposé car nous voulions une activité artisanale pour que le travail de nos jeunes puisse être visible. Nous avions des contacts dans ce milieu pour bâtir le projet et le relayer en communication, et nous sommes sur un territoire où la vigne est de tradition. En 2013, un accord a été conclu avec l’entreprise viticole Valle Reale dans les Abruzzes, pour qu’un de nos jeunes travaille chez eux. Depuis 2017, nous louons une cave désaffectée à Barile en Basilicate, où nous vinifions le raisin vendangé sur la parcelle qu’ils nous confiaient. L’activité viticole d’Arteteke a commencé avec un seul vin puis nous l’avons élargie, avec la DOC Aglianico, puis le blanc, ensuite le rosé et l’Ancestrale en 2018, grâce à des vignerons voisins qui ont accepté de nous concéder des parcelles.
Arteteke aujourd’hui, demain ?
Arteteke est le nom de la « maladie » des enfants qui ne tiennent pas en place. Nous avons choisi ce nom symboliquement dans un sens positif, pour désigner qui entend se sortir de la position que la société, la vie, lui ont assignée. Aujourd’hui, nous sommes 5, Festus et Clifford qui viennent du Nigéria, un jeune handicapé, Roberto et moi. Tous ceux qui travaillent ou ont travaillé à Arteteke ont la qualité d’associé, c’est pour cela que nous avons choisi le statut de coopérative. Arteteke est né de la volonté de démontrer qu’on peut entreprendre tout en prenant soin de son environnement humain et naturel. Prochaine étape : rapatrier l’activité de production de vin sur les terres de l’association à Melfi. L’ambition est d’impliquer toujours plus de jeunes qui puissent être formés et ensuite reprendre un parcours de formation puis trouver un travail.
Quels sont les vins que vous proposez ?
Trois cépages traditionnels du Vulture, sont vinifiés : Aglianico del Vulture, Malvasia del Vulture et Moscato di Rapolla. Nos vins sont frais, verticaux, avec une belle acidité. Nous voulions obtenir un goût antique, réinterprété en mode contemporain. Nous cherchons à ce qu’ils aient de l’élégance plus que la force, de la verticalité plus que du tanin, du fruit plus que du corps. Ils peuvent vieillir, mais ils sont agréables à boire dès la mise sur le marché. 15 000 bouteilles seulement sont produites par an mais nous ne sommes sur le marché que depuis 2018. Depuis 2 ans, nous sommes accompagnés par l’œnologue Luca Faccenda (son entreprise Valfaccenda est dans le Roero, Piémont). Nos vins sont obtenus par fermentation spontanée ou levures indigènes.
Le blanc, Ianghe (qui veut dire blanc dans notre dialecte), se compose de 80 % Malvasia, 20 % Moscato, en deux fermentations différentes, car on récolte d’abord le Moscato et une dizaine de jours après la Malvasia. Après fermentation, il passe +/- 5 mois en cuve d’acier avant d’être mis en bouteille quand la lune est favorable.
Le Russine, qui veut dire rosé, est obtenu du cépage rouge Aglianico, vinifié comme du blanc.
Le Russe, qui veut dire rouge, est la DOC Aglianico del Vulture 100 %, avec fermentation et affinement en cuve de ciment et mise en bouteille après + /- 1 an. Franco est le Riserva affiné en bois usé, pour ne pas marquer le goût, après 12-13 mois en cuve ciment, qui passera encore au moins 1 an une fois en bouteille. Le 2015 n’a été mis sur le marché qu’en mars 2021.
L’Ancestrale, est un rosé effervescent méthode classique à base d’Aglianico. Ils sont distribués en France par Arte del vino (https://artedelvino.fr) et en Italie par un distributeur spécialiste des vins natures, Les caves de Pyrène.
Propos recueillis et traduits par Carole Gayet
