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Adriano Farano, le pain qui fait du bien
Le 6 Novembre 2020

Adriano Farano, le pain qui fait du bien

Rencontre avec Adriano Farano, l'entrepreneur napolitain qui a donné vie à Pane Vivo, boulangerie atypique installée dans le XXème arrondissement de Paris. A l’occasion de la publication de son livre “Je ne mangerai pas de ce pain-là” nous avons pu échanger avec ce créateur inspirant qui a mis ‘le pain qui fait du bien’ au cœur de ses préoccupations. 

Expert dans le domaine de l’information et des médias, Adriano s’est passionné pour la cause du bon pain et prône le retour aux blés anciens et à la fermentation naturelle. 

Voici le fil rouge du parcours, riche et extrêmement cohérent, de celui qui se définit comme un journaliste-boulanger.


Quel constat vous a poussé à écrire le livre “Je ne mangerai pas de ce pain là” ?
Qu’est-ce qui nous apprend ce voyage dans le temps à la recherche d’un aliment essentiel et symbolique ?

Je vivais en Californie. J’avais construit un four en argile avec mes mains, avec les pieds de mes enfants. C' était magnifique. Je venais d’en sortir une miche de pain succulente lorsque l’une de mes convives me dit : « non, merci ; je ne mange plus de pain car les farines modernes sont indigestes ». Je ne le prends pas sur le personnel mais je suis quand même piqué au vif. Sans en prendre la mesure, commence alors pour moi une enquête sur la descente aux Enfers du pain, cet aliment pourtant sacré, qui me conduira à changer de vie, à choisir la vie. 

“Enfourner et Informer”. Comment est né le projet Pane vivo ? 
De retour à Paris, la capitale mondiale du pain, j’ai voulu créer un OVNI de la boulangerie naturelle. C’était une question d’identité : je ne pouvais pas me résigner à choisir entre du pain toxique ayant perdu toute raison d’être, trop salé, dopé aux additifs et issu de farines de blés mutants… et le sans gluten ! Il fallait proposer une troisième voie, celle d’un pain qui fait du bien… Nous avons fait des choses incroyables en six mois : forts d’un chef boulanger formé chez Ferrandi, Claire Damon, Cherrier et Utopie, Erdogan Tokus, nous avons ouvert une semaine avant le confinement et pourtant on a décuplé nos ventes en six mois ! C’est à la fois grâce à notre pain hyper digeste et grâce à notre obsession : informer le public sur les bienfaits du pain qui fait du bien. 

Qu'est-ce qui vous a poussé vers le levain ? Quel rôle joue-t-il dans la culture alimentaire méditerranéenne ?
Connu depuis les Égyptiens dont certaines miches ont survécu et sont toujours visibles, le levain naturel est un don de la Nature. Responsable d’une fermentation plus lente, il permet de baisser l’index glycémique, de prolonger la conservation et de pré-digérer le gluten. Hélas, le décret pain de 2003 permet aux boulangers d’appeler « pain au levain » le pain qui contient aussi de la levure. C’est une escroquerie...

Journaliste au Figaro, fondateur de CaféBabel, Pactio, Plex, Watchup, etc. De quelle façon l’envie de produire un bon pain a changé votre quotidien ? Comment arrivez-vous à concilier vos différentes casquettes ?
La spécialisation est fille de la Révolution industrielle. Ce n’est que depuis deux cents ans que nous les hommes nous sommes résignés à rentrer dans des cases. Prenez la Renaissance : Léonard était-il plus peintre qu’ingénieur ? Pas du tout ! Cela dit, il est vrai que je passe désormais moins de temps devant mon ordinateur, que je manie des farines nouvelles chaque semaine, que j’utilise pleinement mes sens… mais le travail de recherche et de rédaction autour du livre ont été très prenants aussi !

Vous enseignez également à Science Po. Est-ce qu’il s’agit d’une manière de partager le regard que vous portez sur la société contemporaine ? 
Bruno Patino, le directeur éditorial d’ARTE et de l’école de journalisme Sciences Po, a été depuis toujours très attiré par l’innovation. Il comprend comme personne, l’évolution de la société numérique. Lorsqu’il m’a appelé pour apprendre à ses étudiants à créer et gérer des projets novateurs, je ne pouvais pas dire non. Pétrir du pain c’est comme façonner un projet : il faut de l’amour, de l’expertise, mais surtout écouter le consommateur. 

De l’Italie à la Californie, puis la France. Pourquoi avez-vous choisi de vivre au cœur du “vieux continent” et de développer vos projets ici ? 
L’Amérique m’avait tout donné : j’ai pu vivre au cœur de la Silicon Valley au moment où elle est devenue le centre névralgique du monde occidental. Cette surpuissance, on en mesure à peine les conséquences. Cette ruée, j’y ai participé : j’ai construit une startup, je l’ai revendue. J’adorais, j’adore la Baie de San Francisco, mais je ne voulais pas que mes enfants deviennent Américains. En Europe, nous avons d’autres valeurs… Mais des fois, on s’égare ! Mon combat, c’est celui de Brillat-Savarin : « dis-moi ce que tu manges, je te dirai ce que tu es ». La gastronomie, ce n’est pas Instagram, ce sont les « lois de la nutrition », des lois qui sont constamment violées par la malbouffe, dont les boulangeries soi-disant « artisanales » sont devenues, hélas, les fers de lance. Il faut construire l’alternative. C’est une mission, c’est un combat que nous devons à notre nature d’homines sapientes. C’est un combat pour la vie. 

Crédit photo Sara Rania.

 

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