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Masakatsu Ikeda, la cuisine italienne au Japon
Le 5 Novembre 2019

Masakatsu Ikeda, la cuisine italienne au Japon

Originaire de Tokyo, Masakatsu vit à Florence depuis 21 ans. Spécialiste de la cuisine italienne, il partage ses connaissances et expériences au Japon au travers d’articles, photo, dans des revues, sur le web. En 2014, il a créé le web magazine saporitaweb.com. Il est aussi l’auteur de nombreux ouvrages dont un sur le chef italien Massimo Bottura qui lui a valu de concourir pour le prix littéraire Tuji Sizuo Cuisine. Ambassadeur à sa façon de la cuisine italienne au Japon, Masakatsu livre aussi sa vision de l’incursion de la cuisine japonaise en Italie.  

Comment tout cela a-t-il commencé ?

Quand j’étais jeune, j’essayais d’apprendre l’italien en lisant le journal ! J’ai toujours apprécié la cuisine italienne. Je voyageais très souvent en Italie dont le style de vie m’attirait. L’attraction était telle que c’était presque une évidence que je partirais. Au Japon, j’ai travaillé pendant 10 ans dans l’édition et en parallèle comme journaliste. Or, dans les années 90, il y a eu un boom de la cuisine italienne à Tokyo. J’écrivais sur des restaurants italiens au Japon et sur ceux que je découvrais en Italie lors de mes séjours. J’ai rencontré de nombreux chefs japonais qui avait attrapé le virus de la cuisine italienne et qui me l’ont transmis, m’incitant très fortement à concrétiser mon projet d’installation. J’ai connu le très grand chef Sawaguchi Noriyuki du restaurant de gastronomie italienne La Gola à Roppongi (Japon) qui a été déterminant pour me permettre de pénétrer l’univers culinaire en Italie. A cette époque, il y avait déjà des chefs japonais en Italie qui ensuite retournaient au Japon pour ouvrir des restaurants de cuisine italienne. Par contre, il n’y avait aucun journaliste culinaire japonais en Italie, c’était l’opportunité de joindre l’utile à l’agréable.

Vos lecteurs sont Japonais ?

Au début quand je suis arrivé en Italie, c’était difficile avec la langue même si j’avais déjà commencé à l’étudier avant d’arriver. J’étais en relation avec des journalistes au Japon. Parler italien n’est plus un problème aujourd’hui, mais à titre professionnel, j’écris uniquement dans ma langue maternelle. Il s’agit de publications numériques, des magazines japonais du secteur de la restauration comme Cuisine et kingdom, Cuisine report, Vogue Japon, GQ Japon… Parallèlement, j’ai travaillé durant une dizaine d’années comme photographe professionnel dans l’univers du voyage et du culinaire, c’est ainsi que j’ai rencontré notamment le chef Massimo Bottura.

Comment expliquez-vous l’incursion de la cuisine japonaise en Italie alors que les Italiens sont plutôt « chauvins » ?

En effet, à Florence, il y a essentiellement de la cuisine florentine, toscane, pas un seul restaurant français, même quand ils ont le mot bistrot dans le nom ! Les Italiens sont très traditionalistes pour la cuisine. L’unique cuisine étrangère qu’ils acceptent est japonaise. Il y a plus de 100 restaurants japonais à Milan, on en trouve aussi à Rome, même si les propriétaires sont rarement japonais. Le chef Massimo Bottura pense que cuisine italienne et japonaise se ressemblent car elles ont en commun la valorisation de la matière première contrairement aux deux autres cuisines majeures que sont celles de la France et de la Chine qui sont plus techniques.

De quelle type de cuisine japonaise parle-t-on ?

Il y a des sushi et des sashimi mais comme les maîtres sushi ne sortent pas du Japon et qu’on ne trouve pas les mêmes poissons en Méditerranée qu’en mer du Japon, les sushi de niveau japonais ne son pas encore arrivés en Italie. J’ai lu récemment que les établissements qui proposent des sushi non stop, préparés 1 ou 2 heures avant d’être servis, en buffet, à bas prix font l’objet de contrôles sanitaires car le respect des règles d’hygiène est « approximatif ». Il n’y a pas de cuisine familiale japonaise en Italie, seulement de la cuisine de restauration. Depuis quelque temps, les ramen sont à la mode. Mais les prix sont le triple de ce que ça coûte au Japon. On voit aussi les bento, puis le saké qui devrait pouvoir s’affirmer davantage grâce à l’accord signé entre le Japon et l’Europe pour baisser la TVA sur les boissons de l’archipel. Dernièrement, c’est le thé Matcha qui est arrivé à Milan.

Quelle place la cuisine italienne occupe au Japon ?

Dans les années 70-80, c’était la cuisine française qui était en vogue au Japon, mais avec les années 90, la cuisine italienne a fait son entrée, surtout celle qui est à base de poisson, de crustacés, mais aussi la pizza. Celle-ci était déjà arrivée dans sa version « pizza pie » par les Etats-Unis, alors que dans les années 90, c’est la pizza napolitaine qui s’est imposée. Les Japonais sont ouverts aux influences extérieures, Tokyo est comme Paris, il y a des restaurants de toutes les origines. La cuisine italienne a tout de suite été bienvenue. Dans le guide Michelin Tokyo 2019 la présence de la cuisine italienne a dépassé celle de la cuisine chinoise pourtant la plus implantée. Lorsque l’ambassadeur d’Italie au Japon a fait le tour de Tokyo, il pensait que la profusion de drapeaux italiens dans la ville visait à lui souhaiter la bienvenue alors qu’ils n’étaient là que pour signaler la présence des restaurants italiens, environ 3000 !

Quel type de cuisine italienne plaît aux Japonais ?

Dans les années 90, peu de Japonais étaient allés en Italie, ce qui est radicalement différent depuis 2000 avec beaucoup de chefs qui y vont pour apprendre la cuisine. Ils partent avec une idée en tête du type de spécialités qu’ils veulent proposer, selon leur lieu d’implantation au Japon à leur retour. Celui qui a prévu de s’établir près de la mer se dirige vers Naples ou la Sicile. Les Japonais ont une préférence pour les préparations de Toscane, de Sicile, peu coûteuses mais délicieuses, en toute simplicité : aubergines, brocoli, viande grillée, huile d’olive… Pour les Japonais, le beurre, le fromage, les œufs des cuisines du Piémont, d’Emilie-Romagne sont trop lourdes, ils préfèrent des spécialités plus légères, ou à base de produits de la mer.

Vous partez à Tokyo en novembre pour une animation sur le thème de l’aperitivo pour la semaine de la gastronomie italienne dans le monde ?

Au Japon la semaine de la gastronomie italienne est organisée depuis au moins 4 ans. Cette année le thème est l’apéritif à l’italienne. Du 19 au 24 novembre, il y aura de nombreux événements à Tokyo. Les vins pétillants comme le Franciacorta, le Prosecco y sont en forte croissance depuis 4-5 ans. L’ambassade pense soutenir cette tendance avec le thème de l’aperitivo. Ce qui est intéressant, c’est qu’il ne s’agit pas seulement de promouvoir la boisson mais une culture. L’aperitivo est l’opportunité pour des producteurs de vermouths et d’autres alcools, de s’implanter dans les restaurants gastronomiques par le biais des accords mets-cocktails. C’est une alternative aux accords mets-vins. Le vin italien est déjà très présent y compris dans les petits restaurants. Un cocktail est vendu plus de 1000 yens soit environ 10 €. Je pars avec Federico Silvio Bellanca, co-organisateur de la Florence cocktail week que j’ai rencontré récemment. L’acteur principal de l’événement que nous organisons est le barman Daniele Cancellara du Raspoutine à Florence. Il a conçu un « cocktail con grappa ». Federico a sollicité l’entreprise de grappa Nardini qui a répondu favorablement pour sponsoriser cette animation. Rendez-vous donc le 19 novembre 2019 à Tokyo, au bar italien Pietre preziose…

 

Propos recueillis par Carole Gayet 

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