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Lorenzo Ruggeri : Paris propose une cuisine italienne d’auteur stimulante et enthousiasmante
Le 2 Janvier 2019

Lorenzo Ruggeri : Paris propose une cuisine italienne d’auteur stimulante et enthousiasmante

Journaliste professionnel et critique vin et cuisine pour plusieurs publications du guide gastronomique italien Gambero Rosso depuis 10 ans (vins d’Italie, restaurants d’Italie, pizzerias), Lorenzo Ruggeri coordonne aussi depuis 2 ans le guide en ligne de la restauration italienne dans le monde. Depuis l’été 2018, une rubrique a été dédiée à Paris avec une dizaine d’établissements répertoriés à ce jour. Lorenzo Ruggeri explique comment ils ont été sélectionnés et livre sa vision enthousiaste de l’offre actuelle de cuisine italienne à Paris.

Quel chemin vous a mené à travailler pour le Gambero Rosso ?

Mon  père m’emmenait chaque semaine au restaurant. Lorsque j’habitais avec lui et ma mère, je lui chipais les bouteilles de vin pour les goûter. Et lorsque je suis parti de chez eux, c’est lui qui me les portait chez moi ! Puis j’ai eu l’opportunité de rejoindre l’équipe rédactionnelle du Gambero Rosso et de pouvoir compléter mes connaissances grâce aux enseignements du master en journalisme gastro-œnologique dispensés par le Gambero Rosso. Sont enseignés notamment l’analyse sensorielle, la gastronomie italienne, internationale, le vin.

Quid du guide en ligne des meilleurs restaurants de cuisine italienne hors d’Italie ?

Plusieurs typologies d’établissements sont référencées : trattoria de cuisine traditionnelle, pizzeria, cuisine raffinée… et chacun des restaurants est noté selon sa catégorie par des fourchettes, des crevettes (type bistrot), des parts de pizza, des bouteilles (bar à vins) allant de 1 à 3. La notation 1 correspond déjà à un bon niveau, 2 traduit une offre plus complète, 3 reflète une expérience tant dans l’atmosphère, que dans l’assiette, le verre, il y a les saveurs mais aussi l’esprit du lieu et surtout de son propriétaire. L’an dernier nous sommes passés de 300 à 500 adresses hors de la Botte. Le guide est en ligne car les évolutions sont rapides avec de nombreuses ouvertures mais aussi des fermetures (27, essentiellement en Asie). Nous avons opté pour l’anglais car c’est la langue accessible au plus grand nombre. 40 % des utilisateurs sont des Italiens en voyage, les autres sont des Asiatiques, des Américains, des Français.

Comment se fait la sélection ?

Je suis venu plusieurs fois à Paris pour goûter personnellement, mais l’évaluation est aussi celle des gens de mon équipe, une équipe de 30 collaborateurs sur le terrain qui évaluent anonymement les restaurants avec leur palais italien et qui m’envoient des comptes-rendus détaillés de leurs expériences culinaires. Certains sont installés dans la zone géographique concernée, d’autres sont itinérants. Leurs appréciations portent sur les matières premières qui doivent toujours être certifiées italiennes, de bonne qualité, expliquées au client, travaillées respectueusement par le chef. Les boissons, le vin, le service font aussi l’objet d’une grande attention. Au niveau international, souvent les inspecteurs du guide Michelin n’évaluent pas comme ceux du Gambero Rosso mais pour ce qui concerne la cuisine italienne, nous l’évaluons en fonction de ce qui est notre quotidien, notre culture, ce que nous mangeons tous les jours, les techniques de base. C’est intéressant de voir les différences d’appréciation.

Les adresses parisiennes

Il y a à ce jour 11 adresses répertoriées à ce jour sur Paris. D’autres seront prochainement ajoutées mais l’idée est de monter en qualité et non en nombre. Outre Paris, il y aura quelques adresses à Bordeaux, puis d’autres villes. Une série d’adresses parisiennes seront ajoutées en janvier prochain et une autre probablement en mars. Le prochain à rejoindre la liste est le restaurant Cucina à la Mutualité. La cuisine italienne est à ce point appréciée des Parisiens qu’on la retrouve même chez Alain Ducasse ! Parmi les adresses retenues, il y a des surprises, comme le restaurant Le George, où officie le chef Simone Zanoni : cuisine de produit, prix maîtrisé, formule déjeuner, ambiance raffinée de la salle, du jardin. C’est la démonstration que la cuisine d’hôtel a changé et qu’à Paris il faut toujours se distinguer, faire plus et mieux.

Seulement 11 adresses à Paris ?

Nous récompensons ceux qui, selon nous, sont du plus haut niveau, incitant en cela les autres à s’aligner… Je tiens à signaler que le prix spécial de chef de l’année 2019 revient au chef-propriétaire Michele Farnesi pour son restaurant parisien Dilia. Ce jeune chef de 29 ans, parti d’Italie, a travaillé auprès des grands chefs français, mais aussi en Italie à l’Osteria Francescana*, à Paris chez le chef italien Giovanni Passerini, avant d’ouvrir son propre établissement Roseval devenu Dilia, où il propose une cuisine d’auteur, pleine d’identité, une grande maîtrise de la progression des saveurs. Pour la remise de sa distinction il est venu cuisiner à Rome, tous les invités ont été stupéfaits ! Il avait préparé un raviolo à la courge, dans un bouillon de crevettes, yuzu et fleurs comestibles surmonté de fruit de la passion : saveurs complexes, maîtrisées. On parle peu de lui dans les médias français, parisiens, peut-être parce que la sensibilité n’est pas exactement identique à celle des Français.

Spécificité parisienne

Le niveau de qualité des établissements sélectionnés pour Paris est parmi les plus élevés du monde avec Tokyo, Copenhague, San Francisco. Cela s’explique parce que la sensibilité gastronomique y est des plus élevées et sophistiquées du monde donc le niveau de la cuisine italienne qui y est proposé doit être élevé. Les Parisiens aiment la cuisine italienne traditionnelle (cotoletta alla milanese, vitello tonnato, pizza napoletana…). Je peux témoigner en tant que Romain, que les meilleures tripes à la romaine que j’ai mangées je les ai dégustées chez Passerini… Ce qui est amusant c’est qu’en Italie, ces recettes reviennent à la mode dans de grands restaurants italiens qui avaient emprunté la voie de la haute cuisine française (pigeon, foie gras…). Simone Zanoni propose une coto letta alla milanese avec un raviolo au citron, Simone Tondo met à la carte aussi bien des pâtes all’amatriciana, que du vitello tonnato ou de la coltoletta. C’est une cuisine d’osteria mais à haut niveau. C’est une approche qui donne de l’ampleur à la cuisine italienne. Nous avions honte de notre cuisine et nous reprenions des recettes françaises mais maintenant nous en sommes fiers avec des saveurs typiques comme l’acidité de la tomate, l’amertume de l’huile d’olive, portées au pinacle.

Que vous enseigne cette expérience sur la cuisine italienne à Paris ?

Ces dernières années, j’ai pu noter une explosion de la pizza, surtout napolitaine, avec Gennaro Nasti, Simone Zanoni… Le phénomène est international mais il est particulièrement significatif à Paris. Parallèlement j’ai vu se développer le format bistrot à l’italienne, avec une cuisine d’auteur. Autre fait très significatif, la diffusion des vins italiens natures, chez RetròBottega, Passerini, Dilia, Racines…Le succès est international, on trouve des bars à vin spécialisés dans les vins natures notamment italiens à Moscou, Bangkok, et dans certains quartiers parisiens où la place des vins bio, natures…est prédominante. Avant, on trouvait une cuisine réalisée par des immigrés qui n’étaient pas des professionnels de la restauration. Depuis 2008, ce sont des chefs formés qui ont quitté l’Italie pour compléter leur parcours. Grâce à eux, les clichés (féculents, crème dans la carbonara, spaghetti alla bolognaise…) ont reculé. Aujourd’hui il y a en France de jeunes chefs de talent qui se sont formés dans des restaurants français, ils ont appris les techniques locales, ils connaissent bien la culture parisienne. Michele Farnesi (restaurant Dilia), Simone Tondo (restaurant Racines), Giovanni Passerini (restaurant Passerini), notamment pratiquent une cuisine « de contamination » réunissant racines italiennes et influences françaises. Un Italien trouve à Paris une cuisine d’auteur qui raconte la sensibilité du chef, sa créativité. Quand je viens à Paris, c’est toujours une expérience réjouissante, surprenante, qui m’apprend beaucoup sur la cuisine italienne interprétée par un palais expert en goût français.

* restaurant 3* au guide Michelin de Massimo Bottura à Modène

 

Propos recueillis par Carole Gayet

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