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La cuisine italienne : saine, esthétique, facile
Le 27 Mars 2018

La cuisine italienne : saine, esthétique, facile

Professeur de latin-grec, Andrea Fesi vient de terminer son doctorat sur les phénomènes de continuité alimentaire de l’Antiquité à nos jours. C’était aussi le thème de son intervention lors d’une conférence de la semaine de la gastronomie italienne dans le monde. Très attaché au partage de ses connaissances, Andrea saisit les opportunités et crée les occasions pour divulguer la richesse des travaux qu’il mène : articles de presse, émissions, événements, conférences… Gourmand et gourmet, il se livre aussi sur les préférences de ses papilles siciliennes très éduquées aux saveurs iodées de Normandie.

Comment êtes-vous arrivé à la cuisine ?

Par la « faute » de mes grands-mères ! Je les regardais cuisiner, elles m’emmenaient au marché, m’ont appris à reconnaître la fraicheur d’un poisson, quelle partie de la viande prendre selon ce qu’on veut cuisiner. Plus tard, je me suis inscrit à la faculté où j’ai notamment étudié les restes alimentaires sur des sites archéologiques, essentiellement en Crète. Sur l’un d’eux, des analyses spécifiques de particules de l’espace cuisine ont permis d’établir qu’avaient été cuisinés des fèves et du lapin dans une marmite. Des découvertes qui ont fait germé en mois l’envie de poursuivre les recherches sur ce sujet avec un doctorat.

Vous êtes spécialiste de la cuisine méditerranéenne ?

J’ai une grand-mère française, l’autre américaine d’origine sicilienne, une arrière grand-mère maltaise, mon père est né à Tunis, mon oncle à Jérusalem… alors dans la famille on n’a pas vraiment d’origines. Je suis très attaché à l’Italie, à la Sicile où je suis né, mais j’ai un certain recul grâce à mon côté français. Ca explique aussi pourquoi je me suis intéressé aux cultures proche-orientales dont j’avais déjà l’expérience familiale.

Vous avez une connaissance particulière des influences juives sur la cuisine italienne ?

Certains de mes ancêtres étaient juifs et mes travaux de recherche m’ont permis d’acquérir une connaissance étendue notamment des pratiques alimentaires juives dans l’Antiquité.  L’université de Tel-Aviv m’a sollicité dernièrement pour donner une conférence sur ce thème. De même la délégation parisienne de l’accademia della cucina italiana qui organisait un dîner de plats typiques de la cuisine juive italienne.  J’en ai expliqué l’origine, et suis intervenu sur le thème « existe-t-il vraiment une cuisine italienne ? ». En effet, les influences juives sont nombreuses dans la cuisine italienne : l’aubergine, le fenouil, la viande de canard et d’oie, les abricots… D’ailleurs je me pose une question : les juifs sont-ils les vecteurs de la gastronomie méditerranéenne de par la diaspora ?

L’Italie a-t-elle conservé des traditions alimentaires de l’Antiquité ?

En effet, on observe aujourd’hui en Italie des pratiques culinaires de l’Antiquité. Par exemple, dans certaines fêtes populaires, notamment dans les Pouilles, on retrouve une méthode particulière pour égorger le cochon déjà mentionnée parmi les pratiques sacrificielles grecques. On récupère le sang pour en faire le sanguinaccio, un peu comme du boudin, qui est séché. Ce type de préparation existe aussi en Espagne. On peut mentionner aussi près de la moitié des 70 variétés de pains préparés aujourd’hui dans le sud de l’Italie (Sicile, Calabre, Pouilles), selon un procédé qui n’est pas sans rappeler celui de la panification grecque.

Le maître-mot selon vous : partage ?

La divulgation qui consiste à partager les connaissances, est essentielle pour moi. L’alimentation est un partage. Le sujet de mon mémoire de licence était sur les syssities en Crète, des espaces communautaires où l’alimentation était partagée dans un but religieux et politique. J’écris pour la rubrique « Les justiciers de la cuisine » du journal « Focus In » (*), je vais collaborer avec la plateforme « Les grands ducs » sur l’épicurisme, j’ai un projet de podcast sur alimentation traditionnelle et cigare avec le rédacteur du Michelin du cigare, il y en a un autre sur l’alimentation. Une autre piste est d’organiser des événements pour intéresser les gens aux pratiques culinaires de certaines périodes, comme la Grèce antique. Dans mon activité de professeur de latin et grec, je consacre une partie d’un trimestre scolaire à l’alimentation antique qui intéresse beaucoup les élèves.

Votre avis sur la cuisine italienne en France ?

Il faut distinguer Paris et le reste de la France. Hors de la Capitale, il y a encore une vision ritale de la cuisine italienne, on y trouve du Marsala qu’on ne cuisine plus en Italie depuis près de 50 ans, on y sert de la viande avec des pâtes en accompagnement ce qui ne peut pas être italien. A Paris il y a des excellences italiennes mais la cuisine s’est boboisée et des recettes extrêmement simples sont vendues à des prix exorbitants. Le vin italien est encore très mal connu et sauf à aller chez RAP (**), le vin qu’on trouve en France est cher et bas de gamme. Le gianduia est mal connu par les Français, ils ont du mal avec le chocolat de Modica car ils préfèrent un chocolat fondant en bouche. La cuisine italienne est mieux connue dans des villes cosmopolites comme Berlin, Londres, New-York. Par ailleurs, j’ai le projet d’une application téléchargeable pour orienter les touristes qui viennent en Italie, vers des adresses où sont encore préparées certaines recettes complètement inconnues. Je pense par exemple aux biscuits d’origine byzantine de Palazzo Adriano dans la région de Palerme, qu’on ne peut acheter que dans un seul endroit pendant une très petite période.

Pourtant la cuisine italienne connaît un grand succès en France ?

En France, la cuisine italienne est synonyme de cuisine saine, qui a du goût. Cela m’a beaucoup interrogé car en Italie on ne dit jamais « ce plat a du goût », parce qu’il est un assemblage d’ingrédients qui sont intrinsèquement goûteux. La cuisine italienne est aussi naturellement esthétique, riche en couleurs. Prenez par exemple une parmigiana d’aubergine… C’est aussi une cuisine qui plaît par sa simplicité, elle est d’accès facile : une escalope milanaise c’est de la viande passée dans de l’œuf, de la chapelure, mise à la poêle.

Des ingrédients italiens fétiches ?

L’origan que je rapporte d’Italie, comme le laurier, des câpres, des olives, des citrons pour les confire moi-même. Dans mon réfrigérateur il y a toujours du parmesan au lait de vache rouge ou blanche, de la ricotta salée pour la pasta à la Norma, du guanciale romain pour la carbonara… J’ai toutes sortes d’huiles, de vins, notamment un rouge à dessert, 3-4 sortes de grappa régionales, du rosolio (***) pour offrir quand je suis invité, au laurier, à la cannelle, du limoncello artisanal au citron vert. J’ai plein de conserves, des anchois, de la boutargue, du concentré de tomate, des tomates séchées…

(*) journal sur l’actualité italienne et tout ce qui a trait à l’Italie en France

(**) épicerie RAP, Paris

(***) liqueur de plantes et fruits

 

 

Propos recueillis par Carole Gayet

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