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Valeurs portées par la cuisine italienne
Le 3 Mars 2018

Valeurs portées par la cuisine italienne

Maître de conférence en sciences du langage à l’Université de Paris-Est Créteil, Rossana De Angelis est intervenue en novembre dernier lors d’une manifestation sur le thème « images et langages dans la cuisine italienne » lors de la semaine de la cuisine italienne dans le monde. Originaire de Calabre, Rossana vit en France depuis près de 10 ans. La sémiotique lui permet de proposer des clés de lecture des représentations de la cuisine italienne. Quand elle n’enseigne pas, elle s’adonne avec passion aux cuisines italienne et française.

Qu’est-ce que la sémiotique ?

La sémiotique est une méthode qui permet d’analyser les faits humains, d’appréhender le monde, à partir notamment des langues, d’une image, comme de la publicité, dans les films… Mon intervention durant la semaine de la cuisine italienne dans le monde avait comme objectif d’expliquer comment les images de la cuisine italienne pouvaient être messagères d’une identité culturelle exprimée par la table. A partir des plats et aliments représentés dans les œuvres d’art, j’ai montré comment une image devient porteuse de symboles et donc de valeurs culturelles. J’ai aussi exposé comment les images de la cuisine italienne donnent à voir un patrimoine culturel et permettent de le (re)valoriser.

Y a-t-il des évolutions dans les images et ce qu’elles expriment ?

Entre autres exemples, on peut estimer qu’il y a eu un virage avec l’image publicitaire dans les années 50-60. Avant, les aliments ne sont représentés que pour ce qu’ils sont, typiques d’un certain contexte, d’un certain temps et d’un certain lieu. La publicité change l’idée de l’image pour lui faire porter une valeur culturelle plus large. Par exemple, dans l’imaginaire les pâtes italiennes ont été utilisées pour véhiculer les valeurs de familiarité, de chaleur humaine, de partage… Les publicités Barilla évoquent la famille, la maison. Depuis quelque temps, je constate en revanche que les aliments qui n’étaient qu’un prétexte, se surchargent d’une valeur nouvelle : le retour au naturel, au bio. Ils sont davantage au premier plan, en tant que tels, sans perdre les valeurs parallèles (partage, etc.) mais l’image change quelque peu de fonction.

Quel regard portez-vous sur les stéréotypes français de la cuisine italienne ?

Ca m’amuse car on a l’impression qu’en Italie on mange tout le temps des pâtes, des pizzas et des glaces, dès le petit-déjeuner ! Ces aliments prennent toute la place, faisant oublier la tradition de cuisine populaire et régionale très variée en Italie, comme si les Français ne faisaient tous que manger du camembert et de la baguette à longueur de temps ! Par exemple, la cuisine italienne est très riche dans la variété régionale de cuisiner les légumes. Il y a un phénomène d’homogénéisation de l’identité culturelle italienne alors qu’on a plusieurs « Italies » et une grande diversité de cuisines italiennes.

Avez-vous une explication ?

Cela s’explique peut-être par la difficulté humaine à appréhender l’hétérogénéité. La réduction répond à une certaine économie de l’information dont on a besoin pour gérer nos connaissances. Les images de la cuisine italienne sont peut-être aussi celles que les Italiens ont exportées. Pendant les différentes vagues d’’immigration des italiens dans le monde on pouvait facilement trouver le blé, l’huile et faire ainsi du pain, des pâtes, et la pizza ! C’est tout autre chose de trouver ou bien de faire venir les légumes caractéristiques de sa propre région d’origine. Des historiens de l’alimentation ou des sociologues expliqueraient cette dynamique bien mieux que moi.

La cuisine italienne est omniprésente en France, pas l’inverse, un avis ?

En Italie on a une idée de la cuisine française comme haute cuisine à haut prix alors que la cuisine italienne est associée à une cuisine populaire, la valeur symbolique est différente même si elle est fausse. Ensuite, à y regarder de près, beaucoup de plats de la cuisine populaire française sont similaires à ceux de la cuisine italienne et ne sont peut-être pas assez exotiques pour susciter l’enthousiasme. Les raisons peuvent être diverses.

Les desserts italiens sont sous-représentés en France, dommage non ?

La pâtisserie française est bien présente dans l’imaginaire partagé, alors qu’on a une variété incroyable de gâteaux boulangers italiens qui ne passent pas en France. Si le tiramisù est un des desserts qui cristallise une représentation identitaire, il faudrait profiter de cette porte ouverte pour enrichir l’offre. Pensez, par exemple, à la « torta mimosa » ou à une simple « torta margherita ». Mais il est difficile d’intervenir sur un objet symbolique du jour au lendemain, car il y a toujours un phénomène collectif derrière la valeur d’un symbole. C’est un processus qui n’a pas forcément de raison raisonnable.

Quel rapport entretenez-vous avec les cuisines italienne et française ?

Je suis très curieuse et j’adore cuisiner aussi bien italien que français. Je fréquente beaucoup les marchés de quartier et j’arrive toujours à trouver les produits italiens dont j’ai envie. C’est un peu plus difficile pour les légumes mais les marchands portugais permettent de combler certains manques. Sur Paris, l’offre est incroyable en qualité et en prix, il y a aussi des marchés de produits locaux. Mes ingrédients fétiches : les courges, l’aubergine, les friarielli… avec lesquelles j’invente sans cesse de nouvelles recettes. 

 

Propos recueillis par Carole Gayet

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