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Marina Miroglio, chercheuse de la Truffe blanche d’Alba (Piémont)
Le 4 Novembre 2017

Marina Miroglio, chercheuse de la Truffe blanche d’Alba (Piémont)

Italienne, originaire de Nizza Monferrato dans le Piémont, le pays de la Truffe blanche d’hiver d’Alba (Tuber Magnatum Pico), elle est venue à Paris il y a plus de 30 ans par amour. En 2009, elle y ouvre le Miroglio Caffè, reconstitution d’un café historique turinois, où elle organise les apericena, apéros dînatoires à l’italienne, pendant plus de 3 ans. C’est là qu’elle lance la mode du spritz. C’est là aussi qu’est née l’histoire des truffes que des amis lui demandaient de rapporter. Giovanni, son grand-père maternel était trifulau, chercheur de truffe. Il lui a tout appris : comment et où les chercher, dresser le chien. La première fois qu’elle est descendue avec lui, elle avait 15 ans. Lorsqu’elle a pris conscience de son privilège bien des années plus tard, elle a décidé d’en faire une activité pour les restaurateurs et les particuliers.

Comment reconnaître le tuber magnatum Pico ?

Quand elle n’est pas lavée on peut la distinguer par la couleur de la terre. La truffe authentique a une odeur quasiment impossible à décrire, à la limite légèrement aillée, un peu l’odeur de terre et si on a eu la chance de connaître le cèpe, il y a une similitude. Mon grand-père disait que celle de Monferrato était la plus parfumée ! J’adore voir l’expression des gens quand j’ouvre la boîte et qu’ils sentent son parfum. Si elle a une odeur trop aillée, cela peut signifier qu’elle est en train de pourrir. Sa texture doit résister sous les doigts et ne pas s’enfoncer. Elle ne doit pas être visqueuse. Elle ne doit pas non plus avoir l’odeur de la salade qui commence à moisir ni une odeur âcre dérangeante. Les grosses (plus de 150 g) sont toutes achetées en Italie par les restaurants qui les travaillent devant le client. On en trouve une de taille supérieure toutes les 50 petites en moyenne qui pèsent  entre 30 et 50 g. Plus elle est grosse plus il faut être habile à la couper. Les prix varient en fonction de l’offre et de la demande, la rareté, la forme, la qualité. Plus elle est grosse, plus le prix au gramme augmente. Il ne faut pas confondre la Truffe blanche d’hiver d’Alba (du Piémont) avec la Bianchetto du printemps. Elle ressemble à la blanche mais elle n’en a pas le parfum et coûte beaucoup moins cher.

Comment la conserver ?

Au frais à 5°C, dans du papier absorbant dans un récipient hermétique. Tous les jours, le papier absorbant est vérifié. S’il est humide, car elle transpire, il est remplacé et le récipient essuyé des gouttelettes qui se sont formées. Si elles sont très petites et un peu plates car elles poussent entre 2 pierres, il ne faut pas trop attendre pour la manger car à force de transpirer, elle se dessèche donc lui laisser un peu d’humidité et ne pas changer le papier absorbant si souvent. Elle perd de 5 % à 10 % de son poids. C’est pourquoi il faut la vendre au plus vite après l’avoir trouvée. Elle doit être consommée entre 5 à 7 jours. Pour les miennes, c’est même 15 jours mais il faut tenir compte des délais liés aux reventes. Elle doit voyager dans une boîte isotherme avec de la glace synthétique mais ne jamais être en contact direct avec la glace et ne jamais être congelée. Pour la nettoyer, et enlever la terre des anfractuosités, j’utilise une brosse à ongles ferme mais souple, sous un filet d’eau froide courante et non dans l’eau. L’opération doit être menée le jour même où elle est consommée. Bien l’essuyer, la remettre dans un papier au réfrigérateur et la sortir un quart d’heure avant de l’utiliser.

Quelle est la manière de la consommer ?

En Italie, surtout dans la zone de ramassage, elle est incontournable sur les tables au restaurant ou à la maison. La tradition est de la couper en lamelles presque transparentes avec une mandoline, sur des plats chauds. Elle s’amollit, c’est pourquoi souvent il y a deux passages, on en remet quand la moitié de l’assiette a déjà été consommée. Certains chefs la râpent pour l’esthétique. Elle va idéalement sur les œufs, les risottos, les tajarin (tagliatelle très fines du Piémont) avec un peu de beurre et de parmesan, la polenta. Le rendu est optimal sur le chaud qui exhale son arôme. La tradition du Piémont en entrée est aussi de la viande piémontaise crue découpée en tartare sans aucun assaisonnement, ou à la limite avec un peu de sel et d’huile. Jamais sur une viande cuite et elle ne doit surtout pas être cuite. Dans les crèmes et les sauces à la truffe à choisir sans arôme chimique, on râpe par dessus au moment de servir. Ne jamais gâcher une truffe blanche d’hiver avec une sauce de mauvaise qualité, ou pire encore, une sauce avec l’arôme chimique. Si malgré tout on utilise une sauce à l’arôme artificiel, elle ne doit surtout pas être chauffée car le mauvais goût chimique primera. Au Piémont on la retrouve dans les bonbons au chocolat. Je prépare un dessert piémontais, le bonet, une crème renversée au chocolat et amaretto, à la truffe blanche. Je sais qu’elle a été utilisée râpée sur un cocktail mais ne pas l’immerger car elle perdrait sa saveur. On l’utilise même en crèmes de beauté !

Comment éviter les pièges avec une truffe fraîche ?

Depuis 1985, la dénomination Truffe blanche d’Alba est strictement réservée à celle du Piémont qui peut aussi être dite Truffe blanche du Piémont. La demande mondiale explose depuis 10-15 ans mais le Piémont n’en produit pas assez. Alors on trouve beaucoup de truffes qui d’Alba ou du Piémont n’ont que le nom mais qui viennent notamment du centre de l’Italie ou de Croatie. Il en existe une d’Afrique du nord qui lui ressemble à l’extérieur, mais complètement blanche à l’intérieur, plus proche d’une pomme de terre, alors que la chair de la Truffe blanche d’Alba est de couleur noisette. Les revendeurs ajoutent un arôme chimique pour parfumer l’extérieur qu’ils vont même jusqu’à injecter dans la chair, qui provoque à la consommation des reflux gastriques acides. Je me suis entrainée à identifier les contrefaçons à l’odeur et je m’exerce sur les truffes vendues ici ou là. Si en la reniflant, il vient à l’idée une odeur chimique, de produit d’entretien qui pique le nez, c’est qu’elle est fausse. La truffe blanche d’hiver qui n’est pas authentique n’a pas de goût, elle n’a d’intérêt qu’esthétique. Même à la foire d’Alba il y a du vrai et du faux. Alors que la saison ne fait que commencer, il y en a une profusion, plus que la nature n’en produit. C’est pourquoi les gens me font confiance. Je les préviens que je vais descendre, je prends les commandes et ce que je n’ai pas trouvé m’est fourni par des gens en qui j’ai moi-même confiance et que je teste de toutes façons. Je ne rapporte que de petites quantités, moins de 10 kilos par saison. J’arrive en complément car je ne peux pas garantir de grosses quantités, je suis comme un artisan face à de grosses sociétés. Mais qui a besoin de truffes car il l’affiche à sa carte pendant toute la saison doit les trouver quelque part. Certains annoncent la provenance. Reste à savoir si leurs revendeurs sont honnêtes. C’est beaucoup plus facile de ne pas chercher, acheter et revendre.

Il y a aussi les produits à la truffe…

L’huile et la truffe sont incompatibles, contrairement au beurre et au fromage. C’est pourquoi on ne trouve que de l’huile à l’arôme artificiel et c’est pourquoi il ne faut jamais la chauffer pour ne pas exhaler la saveur chimique désagréable. 80 % des produits sont à base d’arôme artificiel car il est plus puissant et plus durable dans le temps. Pour la Chine, le pourcentage d’arôme est même doublé car ils sont friands d’un goût intense. Pour tous les autres produits (crème, chips…), il faut bien lire l’étiquette. La mention « truffe » signifie qu’il ne peut pas s’agir de truffe blanche d’hiver. Si le pourcentage est exprimé pour de la truffe déshydratée, cela signifie qu’elle est concentrée et que le goût est plus intense. Dans le cas de l’arôme, sans la mention « naturel », ça signifie qu’il est artificiel. La présence de particules de truffe dans l’huile est privilégiée car elle donne au client l’impression que le produit est plus authentique mais cela n’apporte rien de plus au niveau gustatif. Il faut aussi qu’il y ait de la matière pour revendiquer la mention « truffé » (3 %) ou une mention faisant référence à la truffe (supérieur à 1 %) *.

La Truffe blanche d’hiver d’Alba (Piémont) a t-elle un avenir ?

Le risque, c’est que les vieux chercheurs ne les cherchent plus, que les jeunes ne prennent pas la relève et qu’il n’y ait plus que les truffes de Croatie sur le marché. Il est important de garder le lien avec la terre, il ne faut pas couper les arbres dans leur périmètre de prédilection, elles reviennent toujours au même endroit chaque année au mètre près. C’est une relation à la nature particulière. Il faut faire attention aux pesticides, préserver les équilibres. Le jour où on fait trop de dégâts, on la perd. Elle fait partie des produits alimentaires les plus mystérieux car elle ne se cultive pas. Déjà le climat change et réduit le délai durant lequel on la trouve. La Truffe blanche d’hiver d’Alba (tuber magnatum pico) peut être ramassée au Piémont du 21 septembre au 31 janvier. Cette année comme l’an passé, il aura fallu attendre vers le 15 octobre pour trouver les premières. Il y en a moins qu’avant. La plupart des trifulau sont des agriculteurs qui cherchent la truffe en plus de leur activité. Ils le font par passion en espérant que ça leur rapporte un peu. Il n’est jamais garanti d’en trouver malgré des heures passées à les chercher. C’est une activité qui revient aux hommes, les femmes sont très rares.

 

* L.112-7-1 du code de la consommation, art. 6 du décret n° 2012_129 du 30 janvier 2012 relatif à la mise sur le marché des truffes et denrées alimentaires en contenant

 

 

Propos recueilis par Carole Gayet

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