La passion, carburant inépuisable de la force de travail

En 13 ans dans la pizza, cet autodidacte a accumulé 14 coupes et 26 diplômes aux concours et championnats en France et à l’étranger. Pizzaïolo, consultant, formateur, Nabil Berrahmane sillonne l’Hexagone et le monde au gré des sollicitations pour un spectacle d’acrobatie ici, la réalisation de pizzas là, l’accompagnement au lancement d’un nouveau restaurant ailleurs. Aujourd’hui, le champion de France 2016 en pizza classique et acrobatie aspire à s’établir en fixe en ouvrant son propre établissement.

Quand êtes-vous « tombé dans la pizza » ?

En 2003, j’étais commis dans un restaurant de spécialités napolitaines sur Paris et la façon dont le pizzaïolo étalait la pâte m’a impressionné. Il m’a montré des vidéos, donné des noms de champions et je me suis mis à travailler au moins 3h par jour avant et après le travail et sur  le temps de coupure au restaurant. Connaître l’histoire de la pizza, maîtriser l’art de l’acrobatie m’occupaient à plein temps. Dans la pizza, tout me plaît et rien de ce qui la concerne ne m’est étranger. C’est parce que j’ai souvent changé d’emploi pour diversifier ma connaissance et mes compétences. Il me reste de ma 1^re expérience la maîtrise de l’étalage à la napolitaine qui est un atout car c’est un savoir-faire plutôt rare.

Les compétitions, c’est depuis quand ?

A partir de 2009 j’ai travaillé chez Régine sur les Champs-Elysées où je suis resté 5 ans. Mes collègues m'ont encouragé à participer au championnat de France en 2010 où j’ai remporté l’épreuve d’acrobatie. Une école de pizzaïolo m’a aussitôt contacté pour être formateur à temps partiel dans cette spécialité puis deux ans après à temps plein toutes catégories, jusqu’à la fin 2014. Parallèlement j’ai enchaîné les titres : vice-champion de France en Acrobatie et 4^e en classique en 2011, champion de France (et 10^e en classique) et champion du monde en acrobatie en 2012, champion de France en acrobatie et 5^e en classique en 2014, 1^er en classique à l’étape de Bobigny du France Pizza Tour de 2015, vainqueur à Bruxelles en catégorie acrobatie au trophée européen et au championnat du monde de pizza éthique (et 3^e en classique). Ma famille m’a toujours beaucoup encouragé. A chaque compétition, je remets mon titre en jeu, je ne pars pas pour gagner mais pour montrer ce que je sais faire, partager avec d’autres.

En quoi consiste votre activité aujourd’hui ?

A partager ma passion ! Tous les jours, week-end compris, je travaille. En acrobatie, mon énergie est consacrée à concevoir des chorégraphies différentes pour chaque événement, et pour la préparation de la pizza, je passe du temps pour élaborer les bases et les garnitures. Je me suis fixé comme principe que la préparation doit aller vite comme si je devais la servir à un client. Je me mets dans les conditions des concours tous les jours, je travaille sans relâche, par passion, je complexifie pour ne pas me contenter de mes acquis. En tant que consultant, je guide les restaurateurs en fonction de leur activité, organisation et objectifs sur le matériel, les produits, l’empâtement, le process. Je forme le pizzaïolo et je leur recommande toujours de se former eux-mêmes ou toute autre personne en cas d’absence du pizzaïolo. Il n’est pas rare que je passe quelques semaines voire quelque mois sur place pour les ouvertures de restaurant.

Et cette Méditerranéenne, recette de la victoire, quelle est son histoire ?

Je l’avais déjà présentée à l’étape de Bobigny en 2014 mais je n’avais pas fait la finale de 2015, elle était avec des chips de carottes seulement, de la roquette, des tomates cerises, et de la mozzarella de bufala. Je l’ai améliorée, j’ai travaillé sur la sauce, réfléchi à ce que je pouvais rajouter. L’objectif : pouvoir la servir aux clients dans mon restaurant sans qu’elle soit trop chronophage à préparer. Elle regorge de légumes, que j’adore. En chips notamment, on peut les faire manger aux enfants sans même qu’ils s’en rendent compte. Reproduire les recettes classiques ne me satisfait pas. La Méditerranéenne est une Margherita revisitée dans laquelle on retrouve la mozzarella dans la base, le basilic, la sauce tomate. On est les meilleurs au monde en cuisine, je m’inspire d’un ingrédient, d’une recette et je cherche à l’adapter sur une pizza. Quand je mets au point une recette, elle est testée par ma famille et mes amis. Les pizzas que je conçois sont simples et efficaces comme l’ont souligné les jurés du championnat de France.

Qu’est ce que ça change d’être champion de France ?

C’est pour les autres que ça change, parce que moi, je reste Nabil. Bien sûr, c’est grâce aux 14 coupes et 26 diplômes que j’ai remportés que je travaille, ensuite c’est le bouche-à-oreille, la télé me sollicite pour parler de la pizza, faire des démonstrations d’acrobatie. On me contacte pour préparer des pizzas et produire des spectacles acrobatiques à l’occasion d’événements privés, de congrès professionnels, pour créer de l’animation sur les stands de marques de produits alimentaires ou autres car dès qu’il est question d’Italie, l’association avec la pizza est assez automatique. J’espère ouvrir mon restaurant bientôt où bien sûr j’exposerai les coupes remportées. Mon rêve est déjà réalisé : je suis fier d’avoir décroché tous ces titres car c’est ma passion, j’ai la chance de la vivre au quotidien, je vais continuer à travailler, ce qui viendra après sera du bonus.

Propos recueillis par Carole Gayet