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Le travail de production dans la bouteille
Le 10 Décembre 2013

Le travail de production dans la bouteille

Depuis que j’ai 3 ans, j’ai la tête dans les olives de Sicile où je vais chaque été, mon père est originaire de là-bas. Très tôt j’ai eu envie de mettre sur pied une logique de commercialisation de l’huile d’olive produite par les oliveraies de fermes en difficulté. Je suis très attaché aux gens sur place que je connais depuis mon enfance. Je savais que leur huile aurait du succès car je voyais bien les réactions des gens qui la découvraient chez moi enfant quand nous la rapportions. J’ai d’abord rapporté 100 litres d’huile d’olive qui ont été vendus en 4 jours ! Alors je suis reparti pour déterminer des modalités de production qui leur permettent d’en vivre.

En Sicile l’oliveraie n’est pas une valeur marchande, elle servait à nourrir des familles de 15 personnes qui aujourd’hui ne comptent plus que 3 membres, mais ils ne veulent pas vendre leur terre. Ce que les oliveraies produisent qui n’est pas consommé par les propriétaires des terres est racheté par des négociants qui revendent à la grande distribution. J’ai souhaité construire un système autre pour que ce don de la terre et des hommes soit traité à la mesure de sa valeur affective et culturelle.

J’ai voulu comprendre chaque variété, créer la carte d’identité de chaque oliveraie, prévoir des mélanges pour obtenir des huiles aux parfums variés. Je travaille sur une zone d’excellence qui produit la variété cerasuola qui existe depuis 500/600 ans avant Jésus Christ, j’utilise aussi beaucoup la variété piricuddara. Il faut savoir qu’en Italie sont identifiées 550 à 560 variétés d’olives. Pourtant 10 seulement sont mises en avant. Je me suis intéressé à ce qui n’était pas valorisé. Les résultats sont extraordinaires. J’ai commencé avec 3 oliviers qui produisaient 60 litres d’huile et j’en produis 1 500 litres aujourd’hui. J’ai sélectionné aussi les moulins avec lesquels je travaille. Je pars en Sicile toutes les 6 semaines.

La construction de mon savoir-faire est intuitive. Elle a commencé par le nez et la bouche. L’écrasé d’olive à la cueillette est devenu un outil de langage entre mes interlocuteurs et moi. L’écrasé est aussi un outil de prévision, c’est à dire que la pâte obtenue après avoir broyé les olives, et les odeurs qu’elle dégage sont les indicateurs de ce que l’huile pourra devenir.

Mes émotions sont liées à la rencontre avec le producteur au moment où je reçois les olives, au parcours de l’olive entre le champ et le moulin, au dernier moment avant que l’huile sorte, je suis tout le processus de production, je sais tout, je vois tout. Je vibre quand l’olive part à la machine, qu’elle est réduite en une pâte qui peut dans certains cas rappeler la pistache, et puis à la sortie de l’huile. L’huile est un don de la nature et de ceux qui la travaillent, elle a une valeur solennelle et festive.

Quelques jours après que j’aie ouvert « La tête dans les olives » en 2008, Fabrizio Ferrara du restaurant Caffe dei cioppi est venu avec sa maman, il m’a fait rencontrer Philippe Marc du Plaza Athénée puis Alain Ducasse et ainsi de suite, une série de rencontres se sont enchaînées. Puis les huiles ont fait leur chemin. J’aime la façon dont ils ont goûté les huiles, je voulais comprendre, identifier leurs besoins pour y répondre. Je propose des mini-productions, des productions saisonnières. En 2012, j’ai préparé 48 huiles différentes. Mon huile est rare, elle impose qu’on la respecte. L’usage qui en est fait par les cuisiniers donne du sens à la production à laquelle je suis tant attaché. Il y a une continuité, un lien, une complémentarité entre le travail réalisé en Sicile et l’achat par les clients de la boutique à Paris.

Selon le même principe, je m’intéresse désormais au blé car la Sicile est le grenier à blé de l’Italie...

Cédric Casanova, créateur de la boutique « La tête dans les olives »

 

Propos recueillis par Carole Gayet

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