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Se remettre en question pour progresser
Le 7 Octobre 2013

Se remettre en question pour progresser

Pizzaïolo depuis 1996, très investi en faveur de la professionnalisation du métier de pizzaïolo, notamment en tant que maître instructeur de l’Association des Pizzerias Françaises depuis 2007, je constate depuis une dizaine d’années une montée en qualité des pizzas proposée. J’ai commencé en camion pizza avec four à bois. Cuisinier de métier, j’avais les bases culinaires, mais sans connaître le protocole de la pâte à pizza. Avec du recul, je dirai qu’une pizza de qualité suppose la réunion de 4 paramètres : une pâte de qualité, des ingrédients frais de qualité, une excellente cuisson, un étalage de la pâte à la main et sans rouleau à pâtisserie contrairement à ce qui pratiquait couramment auparavant lorsque la pizza était un travail de boulanger avec une pâte boulangère. Beaucoup l’utilisent encore ajourd’hui. Mais le métier a beaucoup progressé en qualité depuis 7/8 ans, avec l’éclosion des écoles de pizzaïolo. En 10 ans les matériels ont évolué aussi, que ça soit les fours plus puissants, rotatifs électriques ou à bois, les petits matériels (pelles en bois avant, ultra légères maintenant), les équipements en froid tropicalisé. Il a y du matériel adapté à la pizza : bouleuse, diviseuse…

Etre bon artisan pizzaïolo ne suffit pas, il faut aussi être bon commerçant. Les clients sont curieux, ils ont envie d’être surpris, peut-être davantage depuis la recrudescence des émissions culinaires. J’encourage donc les pizzaïolos à travailler devant les clients, à leur expliquer ce qu’ils font, ce qu’ils utilisent, à afficher qu’ils travaillent avec plaisir, même s’ils ont eu un titre de champion. Il faut rester humble, il peut arriver à un champion de se louper sur une pizza, dans ce cas il doit la refaire. Il faut savoir s’adapter à la clientèle et accéder à une demande d’ingrédient supplémentaire, en moins, un autre, plus ou moins cuit. Adopter une tenue adaptée est une règle d’hygiène essentielle qui transmet une image de professionnalisme et de rigueur.

Le métier d’un bon pizzaïolo c’est l’exigence d’un bon boulanger et d’un bon cuisinier. Un travail de cuisinier implique de faire des recherches de produits. J’ai annoncé à mes clients du « 100% légumes frais » en fonction des saisons ou pour certains produits. J’ai parié sur 0 produit surgelé : légumes, ail, oignon, poivron, kebab, viande de volaille, de bœuf… Certains préfèrent travailler avec du surgelé plutôt que du « moyennement » frais. Moi je dis qu’il faut se donner les moyens de proposer du frais de qualité en ayant cette exigence auprès de ses fournisseurs, ce qui implique aussi d’aller chercher les produits à la 1ère heure et de savoir les choisir. Le frais requiert aussi une plus grande préparation…

On peut aussi réussir comme pizzaïolo sans être cuisinier grâce à la passion qui doit être la motivation première et pas seulement l’appât du gain. Parmi mes stagiaires j’ai eu un banquier, des maçons, des électriciens, un comptable, une dame de 68 ans…La passion amène à s’investir. Mais au départ une formation cuisine ou pizza est obligatoire, il faut des bases. Il faut s’appliquer, avoir des qualités d’organisation et de coordination pour faire face aux coups de feu. Le pizzaïolo est comme un chef d’orchestre, et tout doit s’enchaîner les yeux fermés quand le rideau s’ouvre. Beaucoup de pizzaïolos arrêtent le métier car il est éprouvant, il faut trouver l’attrait du métier dans le désir d’évoluer, d’innover.

Lorsque j’ai participé à mon 1er championnat en Italie il y a une dizaine d’années, il n’y avait qu’une trentaine de français. Les pizzas gagnantes étaient des Margherita donc des pizzas qui se distinguaient par la qualité de leur pâte et de la tomate utilisée. L’apport des Français à été d’un point de vue culinaire : des bases de crèmes travaillées, des crèmes de légumes de saison, à base de cèpes par exemple, des mélanges sucré-salé dont je suis un adepte. Je propose une recette avec des poires des vergers voisins, marinées au Chianti avec des magrets. Pour ce pizza, ma pâte fétiche est faite avec une adjonction de céréales torréfiées. Cette créativité permet de se distinguer des classiques proposées par la restauration italienne de chaîne ou les pizzerias en franchise, même si elles ont appris à se mettre au diapason quand bien même avec un petit temps de retard. C’est important de se démarquer avec des recettes qu’on ne retrouve nulle part ailleurs quand bien même certains classiques sont incontournables comme la Reine, la Margherita, la jambon/fromage. On peut créer la surprise en proposant les pizzas du mois en fonction des produits du marché.

Avant dans les championnats on ne trouvait que des empâtements classiques, aujourd’hui on constate une évolution dans les techniques allant de l’empâtement direct au polish en passant par la biga…grâce aux formations en Italie ou ailleurs. Il sera de plus en plus difficile d’être juge dans un championnat de pizza car l’écart de qualité entre les meilleurs est de plus en plus infime. La présentation est importante, le goût de la pâte, ses arômes de fermentation, de levain... Certains ont créé des pizzas moléculaires sur les concours, c’est bien en restauration mais à emporter il faut rester simple car la pizza perd en qualité dès qu’on ferme le carton à cause de la condensation qui ramollit la pâte.

J’ai été parmi les premiers à participer aux championnats de pizza, le magazine France Pizza, l’Association des pizzerias françaises avec son président en communiquant sur ces championnats, a inciter la profession à se réunir, et de là est sorti qu’il nous a semblé nécessaire de monter des écoles comme l’avait fait les Italiens. Il serait souhaitable que le métier de pizzaïolo ait une reconnaissance officielle car il est présent dans de très nombreux restaurants et représente un très grand nombre de salariés. On note un léger progrès avec quelques CQP*.

Ceux qui suivent mes formations sont essentiellement des professionnels curieux. Le retour des vacances d’été est très propice, peut-être parce que les stagiaires ont dégusté durant leurs congés des pizzas meilleures ou moins bonnes que celles qu’ils font ce qui leur a donné envie de progresser. Plus il y aura de championnats plus le métier devrait gagner en qualité car outre les échanges entre pizzaïolos ils incitent certains à suivre des formations où on leur apprend l’importance de connaître les forces de farine, de l’hydratation, du dosage en levure, de l’hygrométrie…. Le développement des championnats contribue aussi à élever le niveau de qualité des pizzas car en amenant des pizzaïolos à se déplacer ils échangent entre eux, découvrent comment les autres travaillent, ce qui les incite à se questionner sur leurs techniques, à avoir envie d’évoluer.

Par Jean-Jacques Despaux, chef pizzaïolo propriétaire du restaurant Pizza au feu de bois à Lannemezan (Hautes Pyrénées) et Maître instructeur de l’Association des Pizzerias Françaises, Ecole de formation de pizzaïolos Jean-Jacques DESPAUX à Lannemezan (Hautes Pyrénées)

* Certificat de qualification professionnelle

Propos recueillis par Carole Gayet 

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