DERNIER NUMERO
RETROUVEZ FRANCE PIZZA SUR
Quand le sucré italien pointe le bout de son nez en France
Le 8 Octobre 2015

Quand le sucré italien pointe le bout de son nez en France

Né à Rome, je suis arrivé à Paris il y a une dizaine d’années pour terminer ma thèse dont le sujet était la Régence en France et j’y habite depuis lors. Amateur de gourmandises sucrées grâce aux souvenirs de préparation et de dégustation de ma mère et de ma grand-mère qui me nourrissent encore aujourd’hui l’âme, le cœur et le ventre, je suis tombé sous le charme de la pâtisserie française. Après avoir débuté ma vie professionnelle comme universitaire puis journaliste culturel, une synthèse des différentes influences intellectuelles dont j’ai bénéficié s’est opérée et les liens entre les registres aussi variés que la mode, le design, le cinéma avec le culinaire sont devenus évidents. Ma personnalité aspire aux échanges sociaux, culturels, ethniques. C’est dans cet état d’esprit qu’a été créé le club franco-italien Criollo en 2003 avec Bénédicte de Chambure. Sa vocation n’a cessé de s’élargir. Réunissant les passionnés de chocolat, parmi lesquels les plus prestigieux pâtissiers et chocolatiers italiens et français, il favorise à travers des événements que nous organisons des échanges et rencontres en toute simplicité entre la France et l’Italie sur le thème des savoir-faire d’excellence.

Le tout premier événement que nous avons organisé était une dégustation de chocolat au palais Farnese (siège de l’ambassade de France en Italie). Nous avons ensuite chaque fois étoffé le contenu des manifestations. Début octobre, à la villa Médicis à Rome, nous avions proposé une dégustation des chocolats d’artisans de grands noms, une conférence de Lydia Capasso sur Catherine de Médicis et l’apport des familles aristocratiques à la gastronomie et la pâtisserie italiennes, un parcours olfactif conçu par Clémence Besse, « nez » chez un grand parfumeur, ainsi qu’un buffet salé mettant à l’honneur des produits italiens et français de grande qualité. C’était aussi l’occasion de célébrer l’adhésion de la Belgique au club Criollo qui est ainsi devenu européen, en la personne de Pierre Marcolini. Nous avons fêté également le 150e anniversaire du gianduiotto, ce bonbon typiquement turinois né de la rencontre du cacao et de la noisette piémontaise, la « tonda gentile ». Elle est la plus chère sur le marché et la plus recherchée pour ses caractéristiques organoleptiques, raison pour laquelle elle est très prisée des grands chocolatiers et pâtissiers français.

On commence à trouver en Italie des chocolatiers purs qui ne soient pas aussi pâtissiers. Il y a plusieurs écoles. La plus connue est peut-être la turinoise avec des représentants de la nouvelle génération comme Guido Castagna ou Guido Gobino. En Toscane, héritière de l’apport français qui remonte à l’époque d’occupation napoléonienne de l’Italie, des chocolatiers comme Slitti ou Amedei font un travail de recherche de cru avec une attention esthétique poussée. Il y aussi la tradition sicilienne de Modica car la Sicile a été l’un des premiers endroits d’Europe où est arrivé le cacao découvert par les Espagnols car elle était à cette époque sous domination de l’Espagne. Ce chocolat se caractérise par sa texture rugueuse  car il n’est pas « conché ». Parmi les chocolatiers qui le travaillent, Sabadì est contemporain, son produit commence à se trouver dans les épiceries italiennes en France. Bonajuto, héritier d’une longue tradition, est plus traditionnel. En Lombardie, une nouvelle génération émerge avec Marco Colzani de Cacao amaro. Il y a aussi la filière du chocolat cru, qui travaille à très basse température pour mieux préserver la saveur du chocolat. On peut citer notamment Cacao Crudo de Daniele Dell'Orco à Rome.

Par ailleurs l’an dernier, nous avons monté l’opération Dolce avec Stefano Palombari, créateur du site Internet l’Italie à Paris. Alors que la connaissance de la partie salée de la cuisine italienne a fait des pas de géants en France, la frontière du sucré n’a pas encore été franchie. Les Italiens ont une approche du sucré différente des Français car ils consomment un fruit plutôt qu’un dessert en fin de repas. Pour autant des restaurateurs italiens sur Paris ont accepté d’offrir gratuitement pendant 1 mois chacun un dessert italien de leur création hors panna cotta et tiramisù. Des ateliers proposaient parallèlement de s’initier à l’art de la pâtisserie italienne. Que l’Italie remporte la coupe du monde de la pâtisserie en 2015 a été une aubaine. Nous préparons la 2e édition, qui associera aussi des épiceries qui proposeront des dégustations de produits sucrés (confiseries, pâtes à tartiner…).

Alors que la France recherche toujours la nouveauté, la pâtisserie italienne est encore très ancrée dans le terroir, elle s’est allégée et sa forme est plus contemporaine, mais elle est plus timide aux apports étrangers de saveurs pour le moment. C’est pourtant l’italienne Catherine de Médicis qui a apporté la pâtisserie à la France et la France qui a su la magnifier. On peut faire un parallèle contemporain avec le constat que l'Italie est le plus important producteur d'objets de luxe en Europe mais la vitrine est à Paris, avec notamment la fashion week. Que ça soit pour le chocolat, la pâtisserie, la gastronomie, les Italiens attribuent une importance majeure au contenu par rapport au packaging. La France sait valoriser son patrimoine, en cela l’Italie a peut-être à apprendre d’elle. C’est tout l’esprit du club Criollo : savoir prendre de l’autre ce qui peut nous enrichir en se l’appropriant selon son identité propre.

Domenico Biscardi, co-fondateur du club Criollo, journaliste et organisateur d’événements gastro-culturels franco-italiens en France et en Italie

Propos recueillis par Carole Gayet

Dans la même catégorie

Vous serez également intéressé par :

Les services France Pizza

Je m'abonne à la newsletter pour recevoir chaque mois les dernières informations du marché de la pizza et de la restauration italienne