Marina Gioacchini, maillon de transmission

Bien que vivant à Paris depuis 20 ans, je conserve intact le sentiment de m'y sentir comme une touriste.

J'adore cette ville où j'aime me balader et flâner les mains dans les poches même si les premières années n'ont pas été très simples.

Je suis née à Grotte di Castro, un des sept villages qui bordent le lac de Bolsena dans une région où la nature est magnifique et l'agriculture joue un rôle très important.

J'ai grandi entourée de femmes qui savaient bien cuisinier, avec des produits simples et de grande qualité: les oeufs toujours frais, le fromage des amis bergers, les légumes produits sur place, de même pour la viande.

Dans ma valise, au fil des années et encore aujourd'hui, il y a toujours un ou deux produits de "chez moi". Un fromage, une bonne charcuterie ou tout simplement de la levure pour la pizza que je prépare rigoureusement maison!

Pour une italienne heureuse de vivre en France, je peux sans doute affirmer que tous les bons produits y sont sauf la ricotta fraîche impossible à faire "voyager" même si j'en ai déniché une de très bonne qualité chez Rap, l'épicerie italienne où Alessandra, la ravissante propriétaire vous accueille toujours avec le sourire et connaît personnellement chaque producteur.

J'avoue ne pas passer trop de temps en cuisine mais c'est un vrai plaisir de redécouvrir des recettes de mon enfance apprises tout naturellement en les regardant faire. Les tagliatelles maison de ma grand-mère, l'agneau au four avec l'ail et le romarin, les excellents potages avec les légumes du jardin et les "quadrucci" à l'oeuf, les "tagliolini" au poisson du lac et les "ciambelline al vino rosso, olio e noci" qui ne manquaient jamais dans un bocal en terre cuite disposé sur la table.

Maintenant que les femmes de ma vie ne sont plus là, je m'aperçois combien la transmission se fait à travers la cuisine et ses traditions régionales si riches et variées.

La région qui m'a vue grandir est située dans le nord du Latium, une terre ancienne dénommée "Tuscia" où les Etrusques bien avant les Romains cultivaient déjà l'olivier. C'est ici, et plus exactement à Tuscania,  que mon grand-père a acheté en 1936 un terrain sur lequel bien des années plus tard mon père a planté d'oliviers des trois varietés typiques de notre terroir: frantoio, leccino et canino. Toujours à la recherche de l'excellence, l'acquisition d'un moulin et l'installation de l'irrigation "goutte à goutte" a été une évidence. Aujourd'hui je cultive grâce au travail attentif d'un ami agronome et au savoir faire unique d'agriculteurs autochtones   2000 plantes sur dix hectares.

Si notre oliveraie n'a pas été touchée en 2014 par la terrible maladie qui a ravagé d'autres régions italiennes c'est parce que elle est très isolée et, selon les experts, surtout grâce à sa situation géographique. Pas loin de la mer, elle est battue par des vents parfois puissants qui soufflent tout au long de l'année.

J'ai l'immense privilège de passer une bonne partie de mes vacances sur cette terre blanchâtre riche en pierre ponce. Je dois vous préciser que le sol est d'origine volcanique donc riche en minéraux si favorables à l'épanouissement de l'olivier, ce qui offre aux huiles extra-vierges Le Amantine que je produis leur saveur unique.

D'ailleurs le lac de Bolsena, ancien cratère volcanique, le plus grand en Europe ayant cette origine, déjà cité par Dante dans la Divine Comédie, peut être rejoint à bicyclette.

Parfois j'aime imaginer que mon père a fait tout cela pour nous faire partager sa passion et son enthousiasme pour cette terre héritée de Sante, son père. Il a réussi le double pari de faire naître une huile d'olive extra-vierge dont le goût et les qualités sont largement reconnus et de nous transmettre les mêmes valeurs que lui même avaient reçues.

La terre nécessite attention et considération. On peut lui demander beaucoup mais toujours en la respectant si on veut la transmettre aux générations futures...

Marina Gioacchini est propriétaire du domaine Le Amantine où elle cultive une oliveraie qui produit des huiles d'olive extra vierge

Propos recueillis par Carole Gayet