Arnaud Faye, futur chef du Bristol, est Champion du monde de pizza à Parme

Arnaud Faye, chef 2* et MOF aurait pu se satisfaire des titres et récompenses qu’il collectionne depuis 20 ans. L’Auvergnat, qui quitte des jours-ci La Chèvre d’Or (Eze) pour remplacer Eric Fréchon au Bristol Paris, se paie le luxe d’être Champion du monde de pizza 2024 catégorie Triathlon, à Parme. Interview. 

Arnaud Faye a la tête et les mains dans les cartons. Emballer 9 ans de vie dans le sud et les emmener à Paris n’est pas une mince affaire. Après avoir annoncé en avril qu’il quittait La Chèvre d’or (Eze), et avant d’arriver au Bristol à Paris, le chef s’est offert une halte à Parme pour concourir parmi les meilleurs pizzaioli du monde. Attendu en Teglia, catégorie où il s’était classé 11 e l’an dernier, il a surpris tout le monde en recevant le Prix Triathlon. Cette récompense couronne un candidat qui, en se classant bien dans 3 épreuves sur les 5 proposées, cumule un nombre de points décisif. En l’occurrence, Arnaud Faye s’est classé 7 e en Classica, 10 e en Pala et 11 e en Teglia. Des résultats exceptionnels pour quelqu’un dont la pizza n’est pas le quotidien. 

Arnaud Faye, Prix Triathlon ©A.Faye

"J’aurais pu effectivement me cantonner à faire de  la gastronomie mais j’ai développé un intérêt pour la pizza qui, au fil des ans et des rencontres, ne se dément pas"

FRANCE PIZZA. Vous incarnez l’excellence de la gastronomie française, au point qu’on ne s’attendait pas à vous voir devenir Champion du monde de la pizza à Parme. Cette récompense vous semble-t-elle logique ? 

ARNAUD FAYE. Si je dis oui, ça semblera prétentieux. Disons qu’il n’y a rien d’incohérent par rapport à mon parcours. L’an dernier, j’ai participé au Championnat de France de Pizza organisé au salon du Sandwich & Snack Show-Parizza et suis devenu Champion de France de pizza a due 2023 avec Steeve Bonnet de L’Authentique Pizza, à Nice. Nous sommes ensuite allés à Parme sans faire de podium. Je m’étais également inscrit cette année-là en Teglia où j’ai été 11 e. Loin de me décevoir, cette 11 e place m’a encouragé. Les chefs sont curieux, toujours en quête de nouveauté et de rencontres. J’aurais pu effectivement me cantonner à faire de  la gastronomie mais j’ai développé un intérêt pour la pizza qui, au fil des ans et des rencontres, ne se dément pas. 

FRANCE PIZZA. Etiez-vous familier du monde de la pizza avant ces compétitions en France puis à Parme ? 

ARNAUD FAYE. À Cournon-d’Auvergne où j’ai grandi, il y avait en bas de chez moi un camion à pizza. L’été, le pizzaiolo avait besoin d’un coup de main et j’ai aidé quelque temps. J’avais 15 ans et c’était ma première rencontre professionnelle avec la pizza. En 2016, j’arrive à La Chèvre d’or. À côté de l’offre gastronomique de La Chèvre d’or,  il y avait des pizzas cuites au feu de bois au Café du Jardin . Ces pizzas n’étaient pas de bonne qualité. On ne pouvait pas laisser s’installer un tel décalage entre la qualité de La Chèvre et les plats du Café Jardin. J’ai engagé un pizzaiolo Guillaume Portal (@guillaume.prtl) et, de temps en temps, un autre venait aider.  À l’époque je fréquentais aussi Bruno Bertrand, Champion du monde de pizza a due en 2010 avec Rabah Zaoui. La pizza m’a toujours passionné mais j’en faisais comme ça, de temps en temps. 

" Pendant un an, je me suis entraîné toutes les semaines, our préparer le Championnat du monde de  la pizza à Parme". 

FRANCE PIZZA. À quel moment, la pizza est-elle devenue plus importante dans votre vie ?

ARNAUD FAYE. Il y a eu la rencontre avec Steeve Bonnet, fondateur de L’Authentique Pizza, qui m’a proposé de faire la « Pizza de l’invité » puis John Berg et l’amitié avec Jérémy Viale. Avant le Championnat du monde de la pizza à Parme, je me suis préparé avec John Berg et longuement entraîné. 

FRANCE PIZZA. Peu de chefs de votre profil se présentent aux épreuves en solo. On les voit plutôt en binôme dans l’épreuve Pizza a Due. Qu’est-ce qui vous a motivé à participer seul au Championnat du monde de la pizza à Parme ?

ARNAUD FAYE. Je l’ai fait par envie, par passion, pour relever un challenge. On appartient à un petit groupe très soudé autour de John Berg. On partage beaucoup de choses, on s’entend bien. C’est un groupe plein de respect, de joie et d’amitié. Le groupe a aussi compté dans cette réussite. 

FRANCE PIZZA. En quoi consistait votre entraînement ? 

ARNAUD FAYE. Pendant un an, je me suis entraîné toutes les semaines. Je faisais mes empâtements à la maison et j’allais cuire chez Steeve Bonnet

FRANCE PIZZA. Vous attendiez vous à devenir champion du monde de pizza ?   

ARNAUD FAYE. Je pensais progresser en Teglia en proposant quelque chose de croquant et de moelleux, tout ce que j’adore ! Je ne m’attendais pas à un tel résultat en Classica. C’est la 1ère fois que je tentais cette catégorie qui est un peu l’épreuve reine. Donc, oui, c'est une surprise.  

FRANCE PIZZA. Quelles recettes avez-vous présentées pour le Championnat du monde de la pizza à Parme ? 

ARNAUD FAYE. J’ai présenté la même recette en Classica, Pala et Teglia. Une base à la crème de morilles fraîches étuvées avec un jus de viande, de l’huile d’herbes des falaises que je fais moi-même, des asperges vertes étuvées, un crémeux de parmesan, des pousses d’ail des ours, des copeaux d’asperges crues. 

FRANCE PIZZA. C’est quoi « l’huile d’herbes des falaises »?

ARNAUD FAYE. C’est un mélange que je fais à base d’huile d’olive, de sarriette, de romarin et de thym. 

FRANCE PIZZA. Qu’avez-vous ressenti en entendant votre nom ?

ARNAUD FAYE. C’est assez incroyable ! C’était un gros challenge d’être à Parme. C’était le moment où jamais car, comme vous le savez, je m’engage d’ici quelques semaines dans une nouvelle vie…

 « Pizzaiolo, c’est un très beau métier à valoriser. Ce serait bien d’avoir un CAP de pizzaiolo » 

 FRANCE PIZZA. La cuisine italienne est à la mode et un certain nombre de vos confrères s’y sont convertis (Alain Ducasse, Pierre Gagnaire, Eric Fréchon,  Cyril Lignac…Jean-François Piège a converti une de ses adresses en restaurant mono-produit autour des pâtes). Quel regard portez-vous sur cet intérêt croissant pour cette cuisine?

ARNAUD FAYE.On avait déjà un certain regard sur la cuisine italienne. Elle plaît car c’est une cuisine d’émotions, de produits, une cuisine simple que les gens comprennent facilement. C’est pour cela qu’elle est populaire.

FRANCE PIZZA. La pizza est un produit populaire, emblématique de la streetfood et plutôt éloigné de la gastronomie française. Avez-vous craint le jugement de vos pairs ?  

ARNAUD FAYE. Je peux, en effet, être pris pour un extra-terrestre d’être allé concourir sur de la pizza mais c’est une vraie remise en question de mon quotidien. Je trouve intéressant d’avoir des chefs gastronomiques qui mettent en avant le métier de pizzaiolo et disent combien il est important. Pour moi, la pizza est une préparation gastronomique. Il y a encore beaucoup de choses à faire et à faire évoluer.

FRANCE PIZZA. Quoi, par exemple ? 

ARNAUD FAYE. Ce serait bien d’avoir un CAP de pizzaiolo, un vrai diplôme reconnu. On le voit sur les championnats, il y a plein de professionnels passionnés qui ont à cœur de transmettre. Ce serait une bonne valorisation de ce savoir-faire. Pizzaiolo, c’est un très beau métier à valoriser. 

FRANCE PIZZA. Vous êtes en train de préparer votre déménagement pour Paris. Dans quel état d’esprit êtes-vous aujourd’hui ?

ARNAUD FAYE. Très bon. C’est un nouveau challenge qui m’attend à Paris. Je suis heureux.

Propos recueillis par Isabelle Aithnard.